Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolutionnaires qu’il s’efforce en vain de contenir. Les frères Bandiera demandaient le concours du comité de Londres, et le comité leur refusait son appui ; ils voulaient faire une descente dans la Romagne, et le comité s’opposait à ce projet. L’année dernière, M. Mazzini défendait la jeune Italie contre les imputations qui lui attribuaient le mouvement manqué de la Romagne. « Non, disait-il, elle n’a pas échoué, car elle n’a rien tenté. Les frères Muratori ne se réunissaient que pour éviter des arrestations. » On pense bien que le chef de la jeune Italie ne manque pas d’attaquer le gouvernement pontifical. « Un fait, dit-il, qui dans un pays organisé aurait donné matière à une réclamation diplomatique, a jeté la terreur dans la cour de Rome et dans son gouvernement. Incertain, tremblant, voyant des conspirateurs dans toutes les personnes influentes, voulant les emprisonner toutes et n’osant pas mettre la main sur une seule d’entre elles ; pactisant pour éloigner les plus redoutables, et se méfiant des Suisses mécontens et suspects, le gouvernement du pape a présenté dans ces deux mois (septembre et octobre) le spectacle le plus hideux que Dieu ait réservé pour ses créatures, celui d’un tyran saisi par la peur… Vous l’avez vu, ô Italiens : une bande a jeté la terreur dans un gouvernement de la péninsule, et je vous répète ce que je vous disais il y a dix ans : la première bande italienne suffira à délivrer le pays. L’insurrection est possible dans tous les états italiens ; si elle s’empare de toutes leurs ressources, elle peut tenir tête à l’Autriche, et si elle exprime les vieux du pays, le pays est sauvé. »

Il est malheureux que M. Mazzini ait été condamné aux exagérations d’une opinion extrême. Son talent l’appelait vers la littérature, son activité politique réclamait au moins un théâtre où elle pût se développer ; sa polémique, nette, serrée, véhémente, était prédestinée aux grandes luttes. Aucun conspirateur italien n’a exercé une influence personnelle plus forte et plus étendue. La plupart de ceux qui ont approché M. Mazzini ont été subjugués ; ceux qui résistent ne se séparent pas de lui sans émotion et sans souvenir. Que de persécutions n’a-t-il pas défiées ! Il y a quatorze ans que M.Mazzini est mêlé aux luttes politiques ; ces quatorze années n’ont été pour lui qu’un long martyre. Le gouvernement piémontais ne pouvait supporter à Gênes ni ses attaques ni son silence ; à Marseille, M. Mazzini écrivit les derniers numéros de la Jeune Italie en fuyant de maison en maison pour échapper à la police française. De Londres il devait combattre à Paris la diffamation qui lui imputait les assassinats de Rhodez ; à Londres même, le chapelain de l’ambassade de Sardaigne prêchait contre lui du haut de la chaire