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par l’habitude du servage, enveloppé d’espions, contenu par les baïonnettes étrangères, dévoré depuis bien des siècles par les haines municipales, lié par l’aveugle force de la seigneurie, par la perfidie cléricale, sans enseignement, sans presse, sans armes, sans aucun lien de fraternité, si ce n’est dans la haine et dans une pensée de vengeance ; quand un peuple, réduit à ce point, trouve moyen de s’insurger trois fois en dix ans ; quand l’ennemi intérieur cède à la manifestation de la volonté nationale, sans un coup de fusil, sans un cri d’opposition, sans que l’on entende une voix pour défendre la cause de la tyrannie ; quand, en dix jours, le drapeau italien est déployé sur vingt villes ; quand les hommes libres convoquent avec pleine confiance les collèges électoraux pour déterminer les réformes nécessaires ; quand ni les malheurs, ni les déceptions, ni les prisons encombrées, ni les canons pointés contre le peuple, ne peuvent étouffer la pensée révolutionnaire, pleurez sur ce peuple que les circonstances condamnent à l’inaction, mais ne le calomniez pas ! » Quel est donc l’obstacle qui s’oppose à la liberté de l’Italie ? D’après M. Mazzini, c’est le manque de chefs, le manque de foi et de dévouement dans les hommes. Placé dans l’alternative d’accuser les masses ou les individus, il n’hésite pas, il accuse les individus ; c’est là pour lui un dilemme de vie ou de mort, il l’avoue tout haut : si les masses sont coupables, l’esclavage est sanctionné. Entraîné par cette idée, M. Mazzini poursuit de ses attaques, un à un, les hommes du mouvement de Bologne, de Parme, de Modène. Le désarmement des jeunes gens, le renvoi des paysans, Zucchi forcé à l’inaction, Miranesi qui protège le palais du duc, les chefs de Parme qui veulent payer la solde arriérée des employés de la cour de Marie-Louise ; la propagande arrêtée sur les trois routes de la Toscane, de Modène, de Rome, dans l’espoir de la non-intervention ; des ministres, des chefs indécis, en conférence avec l’ennemi, délibérant sur la couleur des toges du sénat de Bologne, sur les anciens privilèges de la ville, voilà les causes du dernier échec. Suivant M. Mazzini, la révolution était forte, et les chefs se sont chargés de l’isoler et de l’étouffer, tandis qu’il fallait porter dans toute l’Italie la guerre et la propagande démocratique.

Une polémique anonyme essaya de contenir M. Mazzini. — Les Italiens, disait-on, sont unanimes à demander l’in dépendance ; pourquoi les diviser en vous jetant aux extrêmes limites de la démocratie ? — Il n’y a de force que dans les principes, répondait le conspirateur ; il n’est donné qu’à la démocratie de soulever les masses et de les unir… La révolution de 1821 était constitutionnelle ; donc elle gardait des rois,