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rappelle la république de Gênes ou de Venise comme la juste combinaison d’un patriciat immobile et d’une démocratie municipale. Suivant lui, la France républicaine n’a importé en Italie que l’agitation des esprits, des lois géométriques qu’il dédaigne ; il va sans dire que Bonaparte est un usurpateur, la France constitutionnelle ne présente « qu’une noblesse sans racines et un pouvoir populaire composé de comtes et de marquis. » Pour mieux se séparer de la France, Botta se replace dans le bon vieux temps, bien décidé à ne marcher qu’avec ses compatriotes, et à lutter contre tout événement qui troublera les allures naturelles du pays. Le grand mérite de Botta est de vouer un amour profond à sa patrie, de considérer l’histoire comme une sorte de religion nationale, et de savoir pleurer avec le peuple quand il souffre ; il est doué d’un grand sentiment historique, même quand il lutte avec ses vieilles idées contre la démocratie moderne. Tout se dispose avec harmonie sous sa plume ; sa narration s’étend avec une admirable ampleur, les mille archaïsmes dont son style est rempli ajoutent au charme des vieux souvenirs : aucun effort pour viser à l’effet ou pour donner aux évènemens la symétrie des principes. Son histoire commence par la description de l’Italie avant 1789. Botta fait le tour du pays, il suit le progrès des réformes, il ne trouve sous sa plume que des éloges et des paroles d’enthousiasme, jusqu’au moment où éclate la révolution. Dès-lors l’historien s’indigne, son patriotisme s’épanche ; il oublie les réformes, la liberté, il ne combat plus que pour l’indépendance du pays. Chaque mouvement de l’armée française est un crime, toute réforme révolutionnaire une profanation. Libéral au fond, il s’éprend d’amour pour les rois déchus, pour l’aristocratie italienne ; il embrasse la cause de Ferdinand IV, de Pie VI, de Charles-Emmanuel, de tous les vaincus, de ces mêmes institutions qu’il voulait réformer. Bien qu’il n’ignore pas les bienfaits de la révolution, Botta ne peut tolérer l’application des lois françaises à l’Italie ; sans méconnaître aucun des avantages de la domination de Murat dans la Basse-Italie, il déclare Murat pire que le Turc. Enfin, tout en avouant que le règne de Napoléon fait le bonheur des Italiens, il s’abandonne à la plus étrange irritation. Cependant, comme il écrit l’histoire avec une probité sévère, Botta ne peut se défendre de signaler les crimes et les perfidies des anciennes cours, les défaites honteuses des armées nationales, les folies cruelles des populaces. Pour ne pas désespérer de l’Italie, il concentre son affection sur la cour de Turin, la seule qui ait résisté pendant quelque temps à l’invasion. Cette cour met son optimisme à une rude épreuve : que de cruautés inutiles !