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et se prépare à la révolte contre Beauharnais avec des généraux italiens. Le poète croit donner la main à des Spartiates, et il ne marche en réalité qu’avec des libéraux milanais : ceux-ci, à leur tour, donnent la main à des nobles de l’ancien duché de Milan ; ces derniers s’allient naturellement à une foule de dévots très attachés à la maison d’Autriche : par eux, les fils de la conspiration tombent entre les mains des émissaires autrichiens. Sans se douter de rien, Foscolo était l’un des meilleurs agens des alliés. Son récit de l’évènement le prouve : le poète ne vit autour de lui que des patriciens, des plébéiens, des sénateurs, des guerriers, des rois ; il raconte comme Plutarque ; il n’y a sur la scène que des individus, des groupes ; les idées qui unissent tous ces groupes se dérobent à ses yeux. D’abord il ne conspirait qu’en soldat à Mantoue, il s’agissait pour lui de tenter un coup de main sur la personne de Beauharnais quand le vice-roi traverserait les postes italiens ; mais l’émeute qui éclata vers le même temps à Milan, et qui mit fin au royaume d’Italie, tira brusquement Foscolo de ses illusions : il vit clairement que derrière le peuple agissaient les nobles. Cette émeute, il n’en put douter, c’était le duché de Milan qui anéantissait le royaume d’Italie, c’était le duché qui se relevait dans une régence avec sa noblesse, ses dévots, toutes ses jalousies de terroir et ses sympathies autrichiennes. Foscolo demeura confondu devant cette catastrophe, mais il n’était pas au bout de ses surprises : cette régence se montra gracieuse pour le poète qui la détestait ; de capitaine elle le fit chef d’escadron. Bientôt Foscolo vit arriver des généraux anglais qui le détournèrent d’une dernière tentative de conspiration, des généraux autrichiens qui établirent la domination de la cour de Vienne ; la police arrêta des conspirateurs libéraux. Foscolo cependant était fêté, protégé, entouré de prévenances par les triomphateurs. Napoléon était détrôné, désormais la carrière des honneurs s’ouvrait à l’auteur des Sépulcres, l’uniforme de major l’attendait, il ne lui restait qu’à prêter serment à la maison d’Autriche ; mais on avait trop compté sur la faiblesse du poète : Foscolo manquait à l’appel, il avait quitté l’Italie pour toujours.

Une femme, la comtesse Albany, l’accusa de versatilité. « J’espérais, répond-il, trouver dans les guerres de Bonaparte une occasion pour conquérir l’indépendance, ou du moins pour livrer un combat qui pût honorer l’Italie ; le gouvernement de l’Autriche ferme la voie à toutes les espérances. Après avoir refusé de servir Bonaparte, je ne puis me mettre à la solde de la maison d’Autriche ; les nécessités de la nation italienne n’ont rien à démêler avec mes devoirs. » - Dans une lettre