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le chantre des Huguenots dans ce demi-jour fantastique des amoureux et des poètes, puis abandonnées tout à coup, et il est probable que si le théâtre royal de Dresde eût attendu l’œuvre de Meyerber pour ouvrir ses portes au public, il en serait encore aux espérances. On jouait ce soir-là Michel Perrin, et j’avoue qu’en lisant l’affiche, notre curiosité fut bien refroidie par l’annonce d’une pièce du Gymnase. Au sortir de Weimar, où nous venions d’assister aux plus intéressantes représentations des chefs-d’œuvre littéraires de la scène allemande, nous avions espéré trouver quelque musique à Dresde. Goethe et Schiller, Berlichingen et Wallenstein, nous avaient mis en belle humeur de sentir Weber. Malheureusement, la Devrient se trouvait absente, et d’ailleurs Weber n’apparaît plus désormais qu’à certains intervalles : de plus jeunes l’ont remplacé ; n’importe, si Freyschütz manquait ce soir-là, nous le retrouvâmes le lendemain dans la caverne d’Ottowald. Le mieux fut donc de prendre notre mal en patience, et d’écouter ces blonds Germains nous réciter la prose de M. Melesville. Du gaz et Michel Perrin, on le voit, nous étions à Paris.

La vallée de Plauen, où la Weitzeritz serpente en bondissant à travers de nombreux villages, offre un aspect d’un pittoresque parfois sauvage. Au milieu de ces rochers qui s’amoncellent, tout un Éden d’arbres fruitiers secoue au soleil sa neige odorante. Voyez, c’est le printemps ; les scarabées nagent dans la lumière, les rossignols vocalisent, et pour que rien ne manque à cet air de fête, les bons Dresdois s’élancent par troupeaux hors des portes, altérés d’un verre de bière ou d’une tasse de chocolat qu’on déguste en paix au sein de cette opulente nature. Heureux peuple, qui n’a besoin que d’air et de soleil, qui n’espère, ne souhaite et ne demande rien, et se contente de jouir du moment ! Les nombreuses tables dressées sous les ombrages des bains de Link, dont la terrasse descend jusque dans l’Elbe, attestent de ce goût prononcé des collations champêtres qui fait des bourgeois de Dresde les Viennois de cette partie de l’Allemagne. Un peu au-delà de Pilnitz s’élève la maison de plaisance du roi de Saxe : il ne s’agit point ici d’un château royal, mais tout simplement de l’agréable villa d’un particulier sinon riche, du moins à son aise. Étalée au milieu des vignes, un peu en dehors du chemin, et cependant d’un accès facile, cette maison a vue sur l’Elbe. Le roi de Saxe n’habite Pilnitz que l’été. Auguste III a les goûts simples d’un véritable amant de la nature ; épris, pour la botanique d’une passion tout allemande, il cultive les fleurs, et laisse les chambres gouverner le pays.

Lorsque je visitai Dresde, la résidence des rois de Saxe était déjà