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l’inimitable madone de Raphaël dite di San Sisto. L’impression qu’on éprouve en présence de cette merveille de l’art tant de fois admirée sur la gravure tient vraiment de l’extase. Les petits anges appuyés sur leurs mains regardent d’en bas, sans se douter du spectacle sublime qui se déroule au-dessus de leurs têtes. La Vierge, son enfant divin dans les bras, monte avec lenteur et majesté vers le ciel peuplé de séraphins, laissant d’un côté Sixte et de l’autre sainte Barbe, dont un adorable sourire illumine les traits. Ce qui vous frappe surtout dans le regard de la mère du Christ, c’est un inexprimable sentiment de mélancolie au sein de la gloire. Raphaël seul a pu rendre cette nuance de sereine tristesse, cette larme divine qui, sans les obscurcir, baigne doucement les paupières. Ailleurs elle m’apparaît davantage sous les traits d’une jeune fille, ici je vois vraiment la mère, l’être immortel dégagé de tout lien terrestre. Point de vains ornemens, point de couronne, pas même un rayon de flamme pour annoncer la divinité de sa nature, mais seulement un peu de vapeur lumineuse où elle plane radieuse, accomplie, indiciblement belle, et cependant si pleine de calme, si modeste et si humble, qu’on voudrait baiser le pan de sa robe pour se purifier à tant de grace et de sérénité. Juste auprès de la madone di San Sisto se trouve placée la madone della Sedia, sœur terrestre d’une immortelle, belle aussi, mais non transfigurée. Je ne sais si j’avance un blasphème en avouant que dans la célèbre Nuit du Corrége la figure de l’enfant ne me séduit pas. Cette grosse tête et ce ventre énorme, tout admirables qu’ils puissent être au point de vue anatomique, ne répondent nullement, selon moi, à l’idéal qu’on se fait d’un Jésus, et l’excès de réalité vous choque d’autant plus sur ce point, que partout ailleurs, dans cette Nuit glorieuse, l’étoile de la poésie rayonne. La sainte Cécile de Carlo Dolce est une peinture pleine de charme et de suavité. La bienheureuse, assise à l’orgue, reçoit l’inspiration d’en haut, et tandis que ses doigts errent au hasard sur le clavier, elle écoute, interroge et répond, le visage inondé de ces clartés mystérieuses qui s’échappent de l’ame où l’extase habite. Les Italiens ne sont pas les seuls représentés au musée de Dresde ; à côté de Raphaël, de Corrége et de Carlo Dolce, figurent les plus illustres maîtres des écoles hollandaise, allemande et française. .J’ai remarqué aussi de ravissans pastels de Meng, entre autres l’Amour aiguisant sa flèche, qui passe pour son chef-d’œuvre. On n’imagine pas plus de finesse et de malice dans le sourire du petit dieu, plus de vie et de vérité dans sa carnation.

La Galerie verte, das Grüne Gewolbe, contient tant de choses, que