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du Boccace. Noble et chevaleresque naturel ! Un Berlinois de ses amis nous racontait dernièrement certaine circonstance originale de la première entrevue avec Bettina, et qui prouverait que, lorsque Brentano les présenta l’un à l’autre, nos deux futurs époux s’étaient une fois du moins déjà rencontrés. Un jour, Arnim se promenait sous les tilleuls (unter den Linden), Bettina vint à passer. Achim d’Arnim était beau comme les anges, il avait la noblesse de l’ame empreinte sur tous les traits du visage, et son large front à la Schiller ne respirait qu’enthousiasme et génie ; l’enfant, qui ne marchait point les yeux baissés, sentit la tête lui tourner. Tout entière à sa première impression, Bettina s’approche du poète, et de ce ton résolument mutin qu’elle affecte encore aujourd’hui : « Vous, dit-elle en le dévisageant d’un regard de feu, si vous voulez, je vous épouse. » Arnim sourit, et peu après le mariage se célébra. — Il ne nous appartient point ici de rechercher s’il trouva le bonheur dans cette union fantasque. Les bienséances ont leurs réserves. Contentons-nous de rappeler à ce sujet le mot de Clément ; il est significatif : « Arnim, écrit quelque part le frère de Bettina, Arnim vécut tourmenté jusqu’à la fin de l’histoire avec Goethe. » À la bonne heure ! on constate volontiers de pareils instincts chez les gens qu’on aime. Voilà nos scrupules levés sur l’homme ; quant au poète, Achim d’Arnim est un des plus grands que l’Allemagne ait eus. Nous reviendrons à tous les deux.


Henri Blaze.