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avec son équité ordinaire, a des paroles d’estime pour la conduite de Menou dans les derniers momens. Menou, en effet, résista avec constance dans Alexandrie qu’assiégeaient les Anglais. Or, le courrier d’Égypte qui apportait la nouvelle de la reddition d’Alexandrie arriva à Londres quelques heures après la signature des préliminaires de la paix d’Amiens. Il faut rendre cette justice au ministère anglais, qu’il ne témoigna à nos négociateurs aucune humeur de n’avoir pas connu ce résultat plus tôt. « Toutefois, dit M. Thiers, c’est une preuve que la résistance d’Alexandrie avait été utile, et que même, dans une cause désespérée, la voix de l’honneur, qui conseille de résister le plus long-temps possible, est toujours bonne à écouter. » C’est ainsi que l’histoire contient des leçons pour tous ceux qui sont appelés à l’honneur de servir leur pays.

Revenons aux idées et aux institutions de l’ordre civil. Après avoir expliqué et critiqué le mécanisme de la constitution de l’an VIII, M. Thiers expose l’administration intérieure de la France. L’assemblée constituante et la convention nationale avaient, sur les ruines de l’ancien régime, improvisé des organisations administratives qui n’avaient abouti qu’à l’anarchie. Le pouvoir était partout, excepté au centre ; il était fractionné en d’innombrables municipalités cantonales que détruisit la constitution de l’an VIII, pour leur substituer la circonscription par arrondissement. À la tête de chaque arrondissement et de chaque département, le premier consul plaça un représentant du pouvoir exécutif ; c’est le préfet et le sous-préfet, qui eurent à côté d’eux une petite assemblée délibérante, telle qu’un conseil de département, d’arrondissement ou de commune. Ainsi, à chaque degré de l’échelle administrative, on créait l’union du pouvoir exécutif et du pouvoir administratif. Cette idée nous paraît aujourd’hui bien simple ; il fallut cependant un homme de génie pour la trouver et l’exécuter. Les pages que M. Thiers consacre à toute cette organisation, à l’appréciation de l’état de nos finances, à l’établissement du conseil d’état, qu’il nous montre comme étant alors un grand conseil politique, sont excellentes. « Le premier consul, dit M. Thiers, qui n’aimait pas la discussion publique, parce qu’elle agitait alors les esprits trop long-temps émus, la recherchait, la provoquait même dans le sein du conseil d’état. C’était son gouvernement représentatif à lui. Il y était familier, original, éloquent, s’y permettait tout à lui-même, y permettait tout aux autres, et, par le choc de son esprit sur celui de ses contradicteurs, faisait jaillir plus de lumière qu’on n’en peut obtenir d’une grande assemblée, où la solennité de la tribune,