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dans la race nageante des poissons, elle est dans l’espèce quadrupède du continent ; son aile s’agite parmi les oiseaux de proie, parmi les bêtes sauvages, chez les humains, chez les Dieux là haut ! Duquel des Dieux cette lutteuse ne vient-elle pas à bout au troisième effort ? S’il m’est permis (et il est certes bien permis de dire la vérité), je dirai qu’elle tyrannise même la poitrine de Jupiter. Sans lance et sans glaive, Cypris met en pièces d’un seul coup tous les desseins des mortels et des Dieux. »

Et puisque j’en suis à ces réminiscences des anciens, à celles qui purent se rencontrer en effet dans l’esprit de Louise ou à celles qu’aussi elle nous suggère, on me permettra une légère digression encore qui, moyennant détour, nous ramènera à elle finalement. Parmi les hymnes attribués à Homère, il en est un très beau adressé à Vénus. Le début ressemble par l’idée au fragment de Sophocle qu’on vient de lire ; le poète chante la déesse qui fait naître le désir au sein des hommes et des Dieux, et chez tout ce qui respire. Mais il n’est que trois cœurs au monde qu’elle ne peut persuader ni abuser, et près desquels elle perd ses sourires : à savoir, « l’auguste Minerve, qui n’aime que les combats, les mêlées, ou les ouvrages brillans des arts, et qui enseigne aux jeunes filles, sous le toit domestique, les adresses de l’aiguille ; puis aussi la pudique Diane aux flèches d’or et au carquois résonnant, qui n’aime que la chasse sur les montagnes, les hurlemens des chiens ou les chœurs de danse et les lyres, et les bois pleins d’ombre, et le voisinage des cités où règne la justice ; et enfin la vénérable Vesta, la fille aînée de l’antique Saturne, restée la plus jeune par le décret de Jupiter, laquelle a fait vœu de virginité éternelle, et qui, à ce prix, est assise au foyer de la maison, à l’endroit le plus honoré, recevant les grasses prémices. » À part ces trois cœurs qui lui échappent, Vénus soumet tout le reste, à commencer par Jupiter, dont on sait les aventures. Or, de peur qu’elle ne se puisse vanter d’être seule à l’abri des mésalliances, Jupiter, un jour, l’enflamme elle-même pour le beau pasteur Anchise, qui fait paître ses bœufs sur l’Ida. La manière dont elle le vient aborder, la coquetterie de sa toilette et l’artifice de discours qu’elle déploie pour le séduire sans l’effrayer, sont d’un grand charme et d’une largeur encore qui ne messied pas à la poésie homérique. Elle a soin de le surprendre à l’heure où les autres pasteurs conduisent leurs troupeaux par les montagnes, un jour qu’il est resté seul, par hasard, à l’entrée de ses étables, jouant de la lyre. Elle se présente à lui comme la fille d’Otrée, roi opulent de toute la Phrygie, et comme une fiancée qui lui est destinée : « C’est une femme troyenne