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les grandes vérités morales et religieuses ; par l’action du christianisme, elle les a codifiées dans un corps de doctrine admirable. De nos jours, enfin, la raison se reconnaissant elle-même sous les formes diverses de son développement, se retrouvant tour à tour dans la philosophie ancienne, dans le christianisme, comme aussi dans tous les systèmes religieux ou philosophiques qui ont servi à le préparer, aspire à prendre possession de toutes ses conquêtes, à recueillir sans en perdre une seule les grandes vérités morales et religieuses, à les accroître encore, et à les présenter à toutes les intelligences sous la forme la plus élevée, la plus digne d’une créature que Dieu a faite pour le comprendre aussi bien que pour l’aimer.

Nous concluons donc en repoussant avec la même force et la prétendue impuissance de la raison prouvée par l’histoire du christianisme, et l’hostilité radicale, absolue, nécessaire, que certains esprits s’imaginent exister entre le christianisme et la philosophie. Quelques mots, en terminant, pour répondre à diverses objections qui se sont élevées de divers points de l’horizon philosophique au sujet de l’attitude à la fois indépendante et conciliatrice que nous proposons à la philosophie par rapport au christianisme. Nous croyons avoir répondu par avance aux trois principales, et il suffira presque de les indiquer pour les résoudre. Les uns nous disent : Vous respectez sincèrement le christianisme ; vous désirez du fond de l’ame, non qu’il périsse, mais qu’il vive et répande partout ses bienfaits, et cependant vous lui faites une condition basse et humiliante, en le reléguant dans une sphère inférieure, en élevant quelque chose au-dessus de lui. Je réponds que c’est une nécessité absolue de la philosophie, tout comme du christianisme, de ne rien reconnaître en dehors ni au-dessus de soi. L’humiliation, si elle existait, serait égale de part et d’autre, ou plutôt il n’y en a pas. Ce serait une chose étrange de soutenir que la philosophie fait au christianisme une trop petite part en lui disant : Vous êtes le chef-d’œuvre de la raison, l’honneur et le salut du genre humain, la règle impérissable, sinon la limite de toutes les intelligences, depuis le pâtre jusqu’à Newton et à Cuvier. Pour en dire plus, il faut être le christianisme lui-même.

D’autres voix nous crient : Vous condamnez la philosophie à l’hypocrisie et à l’inertie. Nous sommes encore moins embarrassés de ces deux reproches que du premier. Quoi ! nous manquons de sincérité, parce que nous proclamons pour le christianisme un respect, une admiration et une sympathie qui sont au fond de notre ame et s’y fortifient sans cesse par l’étude approfondie de cette grande et sainte