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christianisme ; on les peut réduire à trois : le dogme de la trinité, le dogme de l’incarnation, et le dogme de la rédemption. Nous n’avons point à entrer ici dans toutes les profondeurs de ces dogmes ; nous n’en dirons que ce qui se rapporte strictement à notre sujet. Or, quel est le sens le plus évident de ces trois dogmes ?

Le dogme de la trinité établit d’abord l’unité absolue de Dieu, sa spiritualité, son incommunicable et absolue perfection. Ce Dieu incommunicable dans le fond de son être n’est point un principe inerte et sans vie, une force abstraite non encore développée qui ne rencontrera la réalité et ne s’actualisera que dans ses œuvres. C’est un Dieu en qui s’unissent par un mélange inconcevable la perfection et la personnalité. Il se connaît, il s’aime, il vit en soi, d’une vie libre et indépendante, en dehors du temps et de l’espace. De la personnalité il n’exclut que les misères ; il en contient le principe, la vie dans l’intelligence et l’amour. Unité, personnalité, indépendance de Dieu, voilà le dogme de la trinité.

Ce Dieu ne reste pas dans les muettes profondeurs de son existence éternelle. Il est amour, et l’amour lui conseille de répandre hors de soi sa perfection. Il crée, il remplit l’espace et le temps des merveilles de sa puissance. Il se réfléchit dans un être libre comme lui, doué d’intelligence et d’amour, capable de comprendre et d’adorer l’Éternel.

Cette création suprême comble l’intervalle qui sépare le fini de l’infini. Dieu se dérobe, pour ainsi dire, dans la nature, sous la fatalité de ses lois. Il se montre dans l’homme ; il y habite ; il s’unit à la nature humaine par un lien incompréhensible. Il se fait homme, il s’incarne.

L’homme n’était, sans cette incarnation, qu’un animal plus perfectionné, fils du temps et fait pour en être dévoré, partie de ce cercle enfin d’existences qui se produisent et se détruisent sans cesse. Par l’incarnation, il devient un être à part, un être capable d’intelligence et d’amour, capable d’immortalité. Mais cette intelligence est faible, cette volonté est sujette à faillir. L’homme connaît le mal, et le voilà séparé de son principe. Pour qu’il se rachète, pour qu’il se relève, il faut une miséricorde infinie qui donne un prix infini à son repentir. Voilà le mystère de la rédemption.

Dieu a revêtu la nature humaine. Il est mort pour tous les hommes, il les veut sauver tous, parce que tous les hommes sont frères, membres de Dieu, soumis à une même loi de justice et d’amour. De là cette morale sublime qui a dépassé tout ce que la sagesse antique avait conçu de plus pur, et a réglé pour jamais les rapports et les af-