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Si l’homme se contentait de cet instinct confus, il resterait plongé dans une éternelle enfance, il manquerait sa destinée, il rendrait inutile le don le plus parfait que Dieu ait fait à la créature ; la Providence y a pourvu. Il est dans la nature de l’instinct moral et religieux de se développer avec énergie. Le premier produit de ce développement, c’est ce qu’on appelle une religion. Point de peuple, point d’individu sans religion. L’athée est un être abâtardi, un produit accidentel et monstrueux de la civilisation, et l’homme dans la pureté de sa nature est, suivant la forte parole d’un ancien, un animal religieux. L’instinct du divin ne s’épuise pas dans l’enfantement des religions ; il se développe sous d’autres formes. Après l’enthousiasme, la réflexion ; après la foi, la curiosité, mère de la science ; après la religion, la philosophie. Ici, même loi générale : point de civilisation un peu complète sans un développement de réflexion et d’analyse, sans une moisson plus ou moins riche de systèmes philosophiques.

Le fonds commun de toute religion comme de toute philosophie, c’est l’invincible besoin qui pousse l’homme à développer cet instinct de sa nature, l’instinct du divin. En ce sens, toutes les philosophies et toutes les religions sont unes ; mais la nature humaine est diverse selon les temps et selon les lieux, et il y a dans la suite des générations une transmission perpétuelle de croyances et d’idées, un développement, un progrès. De là, la diversité des philosophies et des religions, diversité régulière soumise à des lois qui sont les lois mêmes de la nature humaine. Or, un jour est venu, préparé par la divine Providence, où toutes les religions du monde se sont connues, et, se trouvant diverses et opposées, ont engagé une lutte et se sont brisées, pour ainsi dire, l’une contre l’autre, pour faire place à une religion nouvelle qui a recueilli et organisé leurs débris. Ce jour, on peut le signaler par une date que le genre humain n’oubliera jamais, la naissance de Jésus-Christ.

Quel avait été le but de toutes les religions antérieures à Jésus-Christ, de la religion égyptienne, de la religion persane, des religions de la Grèce et de Rome ? Évidemment ç’avait été de satisfaire l’instinct moral et religieux, de trouver les conditions de la vie morale et religieuse du genre humain. Or, c’est un fait qu’aucune religion n’avait atteint ce but ; en ce sens, aucune de ces religions n’était digne de l’homme. C’est pour cela que toutes sans exception, après avoir fourni leur carrière, après avoir contribué chacune pour sa part au développement moral et religieux du genre humain, sont tombées pour ne jamais renaître ; c’est pour cela que tous les efforts de la philosophie d’Athènes et d’Alexandrie, réunis à la politique des empereurs, ont