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C’est l’ouvrage d’un esprit éclairé, d’un homme de bien, d’un véritable pasteur des ames. Nous n’avons point affaire ici à un pamphlet où la passion et l’imagination viennent au secours de la raison absente ou égarée. M. l’archevêque de Paris sait d’où il part et où il va ; c’est un homme sérieux qui s’adresse à de sérieux lecteurs et qui s’efforce de les convaincre avec les seules ressources d’une haute et calme raison. Par la gravité du style, par l’excellent ton de la discussion, par la sagesse et la modération des pensées et des sentimens, ce livre rappelle les meilleurs modèles ; un La Luzerne, un Bausset, un Frayssinous, ne le désavoueraient pas.

On se souvient que M. l’archevêque de Paris éleva le premier la voix en 1843 pour blâmer avec force les indignes attaques qui venaient de partir du sein de la fraction brouillonne et remuante du clergé. Pourquoi ce noble exemple a-t-il rencontré si peu d’imitateurs ? Pourquoi le prélat conciliateur qui l’avait donné n’y est-il pas lui-même inviolablement resté fidèle ? Triste preuve de la force d’entraînement qu’exercent les partis ! On s’est fait un point d’honneur dans le clergé de ne point désavouer une agression dont on reconnaissait tout bas l’injustice, l’excès et la témérité. Peu s’en faut que les évêques qui ont eu le courage de résister au torrent n’aient été accusés de trahir leur parti et de déserter pendant la bataille. Qu’est-il arrivé ? Les téméraires ont entraîné les sages : la voix de la raison a été étouffée sous les clameurs de la colère et de la haine. Le clergé tout entier s’est laissé mener à la suite de quelques emportés, et l’on a vu M. l’archevêque de Paris lui-même donner des gages à la violence et accepter par faiblesse une solidarité qu’il avait d’abord courageusement repoussée. Félicitons hautement M. l’archevêque de Paris de revenir aujourd’hui à des sentimens de modération si dignes de ses lumières, si conformes à son caractère personnel et à toute sa carrière, si convenables à son éminente position. La force véritable et le véritable honneur d’une ame élevée au sein d’un grand parti, ce n’est pas de suivre tous ses mouvemens, mais de les régler ; ce n’est pas d’obéir à des entraînemens d’un jour, mais de rester religieusement fidèle à des intérêts durables, et de savoir, en certains momens décisifs, préférer le salut de son parti à sa faveur.


I.


Ce qui frappe tout d’abord en ouvrant le livre de M. l’archevêque de Paris, c’est une concession d’une importance immense. M. l’arche-