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quarante sanctuaires, comptait cinq mille prêtres. A chaque temple était attachée une certaine quantité de terres pour la subsistance des prêtres et pour le maintien du culte où l’on déployait beaucoup de pompe. Ils faisaient exploiter leurs terres par des tenanciers qu’ils traitaient avec la même libéralité qu’on voyait en France et en Espagne, partout en Europe, du temps, peu éloigné encore, où les ordres monastiques étaient propriétaires. Peu à peu une grande partie du sol mexicain passa entre les mains des prêtres ; la dévotion des princes, ou leur politique bien ou mal conçue, les poussait à favoriser ainsi l’agrandissement des domaines du clergé. Sous le dernier Montezuma, la richesse territoriale du corps sacerdotal était devenue immense. Les dons des fidèles ajoutaient encore à l’opulence de cet ordre par l’offrande de fruits de la terre et de productions de toute sorte. Le clergé mexicain était, cependant, sobre pour lui-même ; les prêtres vivaient retirés autour des temples, priant régulièrement à plusieurs heures du jour, pratiquant souvent le jeûne, se flagellant très durement et se déchirant la peau avec des pointes d’aloès. S’ils se mêlaient au monde, c’était, non pour en partager les plaisirs, mais pour y assurer leur influence. Au sujet du célibat des prêtres, les témoignages se contredisent. Cortez dit expressément : « Les prêtres ne se marient point et n’ont aucun rapport avec les femmes. » Et, en effet, il semble que les hommes qui imposaient à la société les expiations les plus cruelles dussent subir eux-mêmes une rude loi de sacrifice. Cependant M. Prescott adopte l’opinion contraire. Ne peut-on croire qu’une partie du clergé seulement était astreinte à cette règle ? C’est ce que dit Pierre de Gand, et ainsi s’expliquerait la contradiction apparente. Avec l’excédant de leurs revenus, ils faisaient des charités d’une manière qui rappelle les distributions à la porte des couvens espagnols. Néanmoins, il ne parait pas que, comme les moines de la Péninsule, ils eussent du penchant à encourager ou même à tolérer la fainéantise. L’obligation du travail apparaît au fond de tous les préceptes de la religion aztèque.

Ils s’étaient attribué le monopole de l’éducation, et en conséquence ils prenaient dans les temples, auprès d’eux, les jeunes gens des deux sexes des classes nobles et des classes moyennes, les prêtresses élevant les jeunes filles, et les prêtres les garçons. Ils retenaient les enfans des chefs jusqu’au jour où on les mariait, comme des néophytes dévoués, et leur laissaient croître la chevelure pour ne la couper qu’alors. L’enseignement avait plusieurs degrés ; mais dans ce cadre d’instruction tout avait un sens ou un but religieux. Le délassement