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de fleurs, la joie et la reconnaissance sur la figure, portaient pieusement des offrandes de fruits, prémices de la saison, et d’énormes épis de maïs, qu’on déposait, en brûlant des parfums, devant les images des dieux. Si des victimes étaient immolées alors, c’étaient des oiseaux, particulièrement des cailles. Tel était le caractère du culte des Toltèques, sur la civilisation desquels les Aztèques étaient venus greffer leurs instincts plus énergiques et plus passionnés. Quelques-unes des cérémonies des Toltèques étaient ainsi demeurées intactes, sans que la main violente de leurs successeurs y mît son empreinte, et faisaient le plus étrange contraste avec celles qui étaient sorties de l’imagination des Aztèques eux-mêmes.

Ces inventions d’un mysticisme affreux étaient disposées avec beaucoup de pompe et d’art. Chacun de ces sacrifices sanglans représentait un drame qui dépeignait quelqu’une des aventures du dieu auquel il était consacré, et d’où ressortait une moralité. Dans le nombre on pourrait signaler des solennités dont à coup sûr le spectacle révolterait les hommes de notre siècle, à cause de l’acte tragique qui les terminait, mais dont il est impossible de lire la description sans en admirer la majesté, le sens profond et, je ne puis trouver d’autre expression, l’élégance ; pour un peu plus j’eusse dit la grace. Telle était celle du Feu nouveau, telle, mieux encore, la fête du dieu Tezcatlipoca, générateur de l’univers, ame du monde.

D’après la cosmogonie des Aztèques, le monde avait éprouvé quatre catastrophes où tout avait péri. Ils en attendaient une cinquième au terme d’un de leurs cycles de cinquante-deux ans, où tout devait de même disparaître, jusqu’au soleil qui devait être effacé des cieux. A l’achèvement du cycle qui, de même que la fin de l’année, concordait à peu près avec le solstice d’hiver, ils célébraient une fête commémorative de la fin et du renouvellement qu’avait quatre fois subi le monde, et destinée à conjurer le cinquième cataclysme dont le genre humain, la terre et les astres eux-mêmes, sans excepter celui qui sert de foyer à l’univers, étaient menacés par un arrêt des dieux. Les cinq jours néfastes par lesquels se fermait l’année étaient consacrés à des manifestations de désespoir. Les petites images des dieux qui ornaient les maisons et les protégeaient, comme les dieux lares des anciens, étaient brisées. On laissait mourir les feux sacrés qui brillaient sur la pyramide de chaque teocalli (temple) ; on cessait d’allumer le foyer domestique ; chacun détruisait son mobilier, déchirait ses vêtemens. Tout prenait l’image du désordre pour la venue des mauvais génies qui projetaient de descendre sur la terre.