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pas. Et cela se passe dans un pays de 850,000 habitans, qui a un budget de 15 millions au plus !

Pour remédier à ce mal, ce n’est pas, je le sais, assez de le signaler. Il faut ouvrir une meilleure carrière à toutes ces activités qui s’égarent ; il faut leur donner le moyen d’enrichir l’état tout en s’enrichissant elles-mêmes. Que ce soit difficile, j’en conviens. Cela n’est pas impossible, et ce doit être l’œuvre essentielle du ministère actuel. On m’écrit que MM. Coletti et Metaxas sont de cet avis, et que, pendant les déchiremens de la vérification, ils ont, d’accord avec les hommes les plus éclairés du pays, préparé silencieusement de bonnes lois. Je le désire sincèrement pour MM. Coletti et Metaxas ; je le désire plus encore pour la Grèce, qui, sans cela, aurait bientôt épuisé dans de misérables rivalités tout ce qu’elle a de force et de vitalité. Je le désire pour l’Europe elle-même, à laquelle il importe que la Grèce s’établisse solidement, et gagne les sympathies orientales au lieu de les repousser.

En parlant des partis qui divisent la Grèce et des dangers qui la menacent, il est un parti, il est un danger dont je n’ai rien dit : c’est le parti qui regrette le pouvoir absolu, c’est le danger d’une contre-révolution. Après l’enthousiasme général qu’a fait éclater le mouvement de septembre, il semble qu’il n’y ait à s’occuper ni de l’un ni de l’autre. Je crois pourtant que l’opinion constitutionnelle, dans toutes ses nuances, doit y faire une sérieuse attention. Presque aussitôt après la chute du dernier ministère, quelques symptômes annoncèrent que le parti absolutiste ne renonçait pas à tout espoir, et un journal de province, l’Écho de Patras, s’appuyant des vieilles doctrines ghivernitiques, alla jusqu’à dire que les institutions constitutionnelles ne convenaient pas à la Grèce. Depuis, tout ce qui s’est passé a fortifié cette opinion, à laquelle, dit-on, se sont ralliés quelques mécontens des divers partis. C’est au point que, lors du voyage du roi en Eubée, le bruit s’est répandu qu’un coup d’état se préparait, et que le roi, après avoir constaté sa popularité, ne manquerait pas de défaire tout ce que septembre avait fait. On prétend même que, parmi les contre-révolutionnaires, l’accord n’était pas complet, les uns demandant une charte royale plus monarchique que la constitution actuelle, les autres ne se contentant pas à si bon marché, et tenant au rétablissement pur et simple du pouvoir absolu. Tout cela, bien entendu, se disait tout bas, pas assez bas pourtant pour que l’on n’en sût rien.

Grace à Dieu, le projet insensé qu’on prêtait au roi n’était qu’une vaine chimère. Le roi a visité l’Eubée ; il visitera peut-être le Péloponnèse,