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au-delà de cette zone lumineuse. À ce présage de beau temps, le frère et la sœur se serrèrent la main en silence avec le même espoir dans le cœur ; puis ils s’en allèrent sur la plate-forme, et demeurèrent long-temps accoudés au parapet, les yeux errant sur le paysage qu’un dernier rayon de soleil éclairait faiblement.

— C’est fini, ces mauvais jours sont passés, dit Gaston avec un ineffable sentiment de joie ; demain nous irons à la Roche du Capucin.

— Qui sait si les chemins seront praticables du côté de Belveser ? observa Anastasie avec quelque inquiétude. Pour nous, le trajet sera facile, le sentier suit une pente où l’eau ne séjourne pas ; mais là-bas les terres sont noyées peut-être, Éléonore n’osera pas s’aventurer dans une si mauvaise route.

— Est-ce que son cousin Dominique ne sera pas là pour lui donner la main dans les passages difficiles ? répliqua le cadet de Colobrières. Je suis certain qu’elle viendra.

Le lendemain, un soleil resplendissant se levait au ciel, dont les profondeurs azurées étaient d’une pure transparence. De larges flaques d’eau miroitaient çà et là dans les terrains creux ; mais les torrens s’étaient écoulés déjà, et les sentiers, ensablés par la pluie, formaient dans la plaine de longues lignes d’un jaune pâle, bordées du vert velouté de l’herbe naissante. Le cadet de Colobrières et sa sœur s’échappèrent joyeusement après le dîner pour descendre dans la vallée. Gaston, le fusil sur l’épaule et la carnassière au dos, marchait d’un cœur plus content, d’un pas plus hardi que son noble aïeul, quand il revenait du sac de Rome chargé de gloire et de butin. Anastasie le suivait plus posément ; elle était heureuse aussi, heureuse d’un bonheur qu’elle ne pouvait définir, mais qui remplissait toute son ame. Lambin allait devant eux en bondissant et en jappant dans un accès de folle allégresse. Ils gagnèrent ainsi l’entrée du vallon, et alors Anastasie dit à son frère ; — Je suis sûre que nous arrivons les premiers ; il est de bonne heure… C’est égal, nous attendrons.

— Non, ma cousine est ici déjà ! interrompit Gaston le cœur palpitant, la voix émue, et en montrant sur le sable humide l’empreinte récente d’un petit pied. En effet, Éléonore redescendait le vallon et venait à leur rencontre. Elle marchait vivement ; mais, en les apercevant de loin, elle ralentit le pas ; puis elle s’arrêta et les attendit.

— Ah ! ma chère cousine ! que j’avais hâte devons revoir ! s’écria Anastasie en la serrant dans ses bras.

Mlle Maragnon l’embrassa aussi, et la tint un moment pressée contre son cœur ; puis elle se tourna vers Gaston, et, sans lever les yeux sur