Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/983

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou casser du rocher, et les marteaux d’acier, les lourds leviers, manœuvres par nos hommes, remplaçaient le filet de chanvre ou le tamis de soie.

Nos recherches sur le rivage étaient rendues à la fois plus faciles et plus fructueuses par une circonstance assez remarquable, et que pourtant je crois n’avoir pas encore été signalée. Partout où les roches calcaires, analogues à celles de la Torre dell’ Isola, viennent se plonger dans la mer, nous les avons vues entourées d’une sorte de trottoir presque exactement de niveau avec la surface de l’eau, qui, sans varier beaucoup de largeur, suit toutes les sinuosités de la rive, comblant les cavités peu profondes, jetant sur les autres une voûte solide, et offrant un chemin uni et facile à quiconque ne craint pas de recevoir sur les jambes des vagues bien peu redoutables par un temps calme. A voir ce ciment blanchâtre et compacte, on croirait à une bâtisse faite de main d’homme, et pourtant ce n’est que l’œuvre d’une ou deux espèces de petits mollusques appartenant au genre vermet, qui lui-même fait partie de la classe des gastéropodes, comprenant nos colimaçons. On pourrait d’abord être surpris d’une réunion que justifie l’étude anatomique de ces animaux ; car, au premier coup d’œil, ils ne présentent guère d’analogies. Tandis que le colimaçon se promène librement dans nos vignes et dans nos jardins, chargé de sa coquille bien connue, le vermet est constamment fixé, et ressemble sous ce rapport aux annélides tubicoles. Sa coquille elle-même rappelle, sous tant de rapports, le tube calcaire de ces dernières, qu’on les a bien des fois pris l’un pour l’autre. Enfin, comme certaines annélides, les vermets vivent réunis en nombre souvent incalculable, et leurs tubes entrelacés forment presque seuls l’espèce de chaussée qui entoure une grande portion des côtes rocheuses de la Sicile.

Des milliers d’animaux cherchaient un abri dans les cavités irrégulières résultant de cette agglomération. Là vivaient de petits crustacés assez semblables à nos cloportes, et qui comme eux se mettent en boule pour échapper à leurs ennemis ; des ophiures, animaux rayonnés voisins des astéries, dont les bras grêles et allongés ont la singulière propriété de jeter de vives étincelles à chaque mouvement un peu brusque de l’animal ; des syllis, des polynoès, petites annélides qui sont parfois plus phosphorescentes encore que les ophyures ; des némertes, vers dont les lecteurs de la Revue se rappellent peut-être encore l’organisation si étrangement simplifiée ; des planaires, leurs proches parentes, mais dont l’anatomie présente avec celle des animaux précédens une : sorte de balancement des plus remarquables. Toutes ces espèces