Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/982

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du ciel, et à la moindre alarme regagnaient brusquement, d’un vigoureux coup de queue, l’abri de leurs sombres retraites. À ces animaux, dont la plupart nous rappelaient des formes bien connues, se mêlaient d’autres espèces appartenant à des types qui n’atteignent jamais nos froides latitudes. C’étaient des comatules, proches parentes des astéries et qui représentent en quelque sorte, dans la création actuelle, les crinoïdes presque éteints de nos jours et si communs à l’état de fossiles ; c’étaient ces salpas, mollusques bizarres, transparens comme du verre, qui, se réunissant en longue chaîne, forment des colonies flottantes ; c’étaient ces grands béroïdes semblables à des émaux vivans, et dont M. Edwards avait déjà fait connaître la curieuse organisation ; ces méduses, dont les étranges métamorphoses sont en contradiction avec les lois générales que jusqu’à ce jour on avait cru régir d’une manière absolue la propagation des espèces animales ; ces firoles, ces diphyes, dont la diaphanéité est si complète, qu’on ne les distingue qu’à grand’peine de l’eau où elles se meuvent ; ces stéphanomies enfin, guirlandes animées faites de cristal et de fleurs, qui, plus délicates encore que ces dernières, disparaissent en se fanant, et du soir au matin ne laissent pas même un nuage dans le vase qu’elles remplissaient quelques heures auparavant.

Curieux surtout d’étudier ces espèces dérivées de types rares ou peu connus, nous leur faisions une guerre acharnée. Une traîne d’un tissu serré, toujours fixée à l’arrière de notre barque, recueillait les plus petites d’entre elles. Nos filets, en forme de poches, attachés à de longues perches que maître Perone allongeait encore avec un bout de filin, les atteignaient au milieu des eaux, fussent-elles à vingt pieds de profondeur. Des vases en fer-blanc, assez semblables à de profondes écumoires, les arrêtaient au passage quand elles flottaient à la surface. Une drague, armée d’un lourd couteau tranchant, rasait le sable ou les fonds vaseux et herbacés, enlevait des touffes entières de grands fucus, et nous apportait avec ces plantes les populations animales réfugiées dans leurs rameaux entrelacés. Si le fond trop inégal, trop pierreux, s’opposait à l’emploi de ce moyen, un de nos matelots quittait ses vêtemens, plongeait la tête la première, et reparaissait bientôt avec son trophée qu’il déposait à nos pieds, tout fier du bene approbatif qu’il recevait pour récompense. Puis, si, mécontens de la pleine mer, nous voulions augmenter le nombre de nos prises, nous abordions, et à son tour la côte nous livrait ses espèces littorales. Ici les engins de pêche étaient bien différens. Il fallait rouler des pierres