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piquans essais dans ce genre léger est celui où, traitant ex professo « des femmes qui ne sont plus jolies, » il se fait leur législateur ; le roi, comme son père, se croyait forcé par le bon goût à entretenir autour de lui un sérail de laideurs et d’antiquités, et la satire tombait d’aplomb sur les favorites de George

« … La parure des antiques, dit-il, ne doit pas s’élever au-dessus de la simple et modeste prose ; tous leurs efforts au-delà n’aboutiraient qu’au burlesque, et les rendrait risibles. Une femme âgée doit éviter tout ornement qui attirerait sur elle des yeux auxquels sa vue serait peu agréable. Mais si, à force de parure, elle veut imposer aux hommes sa beauté détruite, ils sont offensés de son entreprise insolente ; quand une Gorgone frise ses serpens pour charmer la ville, elle n’a pas le droit de se plaindre si elle rencontre un Persée vengeur. Ces femmes sans sexe peuvent être regardées comme des êtres à part ; elles ne sauraient être rangées parmi le beau sexe ; elles devraient renoncer ouvertement à toutes prétentions à cet égard, et tourner leurs pensées d’un autre côté ; elles devraient s’efforcer de devenir d’aimables et honnêtes hommes ; elles peuvent se livrer aux plaisirs de la chasse et vider joyeusement un verre, et, pour ma part, si elles pouvaient entrer au parlement, je ne m’y opposerais en aucune façon. Me demande-t-on comment une femme peut savoir qu’elle a vieilli, et agir en conséquence, je réponds qu’elle ne doit pas en croire ses yeux, mais ses oreilles ; que si elle n’est pas entourée d’hommages, si elle n’a pas de nombreux attentifs, elle peut être assurée que ce n’est pas la sévérité de son visage qui les éloigne.

« Ces vieilles pécheresses sont inexcusables. J’ai vu souvent des arrière-grand’mères parées, à ce qu’elles pensaient, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, mais qui ressemblaient bien plus réellement à des vers à soie desséchés dans leurs coques. Pourquoi donc exposer orgueilleusement des rides aussi vénérables que leur contrat de mariage ? Qu’elles cessent d’offenser nos regards par ces prétentions exorbitantes, qu’elles se contentent du noir, et qu’elles lisent Ovide, de Tristibus[1]. »

On reconnaissait, à ces traits cruels, les favorites du roi ; George II prêtait beaucoup à l’épigramme par ses allures sans dignité, sa cupidité, ses maîtresses qu’il n’aimait pas, ses goûts de sergent et de tailleur militaire, et sa prédilection pour les revues d’uniformes et la ponctualité du service. Quand il s’était bien moqué du roi, Chesterfield croyait avoir remporté la victoire ; n’en déplaise à ce vif et piquant esprit, sa position n’était pas aussi bonne qu’il l’imaginait ; n’ayant de racines véritables ni dans le puritanisme populaire, ni chez les tories jacobites, ni dans le whiggisme un peu vénal des walpoliens, il ne gagnait rien à blesser le roi. Cependant il continuait toujours,

  1. Miscellaneous Works, vol. II, p. 48-49.