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ce parti, non plus seulement par des prédications, mais dans la source même de sa puissance. Profitant d’une clause de la dernière loi électorale[1], dont l’aristocratie terrienne avait fait usage elle-même pour accroître sa puissance, ou du moins pour réparer l’échec que la réforme lui avait fait subir, la ligue crée à son tour des électeurs. Déjà même elle dispose de quelques sièges au parlement. La lutte prend donc désormais un caractère politique qui peut devenir menaçant. Il n’est pas vrai, comme on l’a dit souvent, que le maintien de la loi-céréale intéresse la conservation de l’aristocratie anglaise : elle n’intéresse, en effet, que sa fortune ; mais il serait peut-être vrai de dire que, si cette aristocratie n’a pas le courage de sacrifier cette partie mal acquise de sa fortune, la loi-céréale pourrait bien un jour tomber malgré elle, en l’entraînant sous ses débris.

Pour la France, elle ne contemple ces agitations que de loin. Malgré la crise financière qui la travaille, et à laquelle la disette des céréales dans quelques pays voisins n’est pas étrangère, elle jouit d’un calme relatif qu’elle doit à ses lois. Puisse-t-elle, instruite par l’exemple des autres et par sa propre histoire, ne pas troubler ce calme par d’imprudentes prohibitions ; et, si elle touche à ses lois, que ce soit pour étendre son commerce de grains et non pour le restreindre. Déjà quelques voix indiscrètes se sont élevées pour réclamer des mesures exceptionnelles. Nous espérons que le gouvernement ne les écoutera pas. Sous prétexte d’écarter un danger présent imaginaire, ces mesures ne tendraient, en faisant perdre aux cultivateurs la confiance qu’ils doivent avoir dans le débouché extérieur, qu’à créer un danger réel dans l’avenir.


CH. COQUELIN.

  1. La clause connue sous le nom de clause Chandos, en vertu de laquelle tout cultivateur payant 40 sh. De contributions est électeur.