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pour la garder. Les deux cousines, après avoir franchi résolument un fruste escalier taillé dans le roc, se mirent à parcourir le sauvage domaine de l’homme aux fleurs de lis.

— Voilà donc la demeure de ce pauvre bandit ! murmura Éléonore en s’asseyant sur un bloc de pierres détaché du mur rustique de la cabane ; c’est ici qu’il est mort.

— Et qu’il est enterré sans doute, dit Anastasie en montrant à sa cousine une croix de bois à moitié cachée dans l’herbe. Toutes deux se levèrent alors, et demeurèrent un moment debout et en silence devant cette humble tombe. Le cadet de Colobrières et Dominique Maragnon restèrent à l’écart sans les interrompre ; ils avaient compris qu’elles priaient pour les morts.

L’Enclos du Chevrier était presque entièrement planté d’arbres verts à l’abri desquels s’épanouissaient déjà les fleurs du printemps ; les abeilles butinaient au soleil, et les oiseaux gazouillaient entre les rameaux dont les bourgeons se gonflaient entre les feuilles encore vertes. — Qu’on pourrait vivre heureux ici ! dit Anastasie en parcourant du regard l’étroite enceinte. J’envierais volontiers le sort de ce pauvre homme qui s’était retiré entre ces rochers…

— Moi aussi, je voudrais passer ma vie ici comme lui, mais non pas seul, dit Dominique Maragnon en regardant involontairement Mlle de Colobrières.

Le soir, au moment où Gaston et sa sœur allaient reprendre le chemin de Colobrières, Éléonore embrassa sa cousine plus tendrement encore que de coutume, et elle lui dit à voix basse en soupirant : — Mon oncle Maragnon arrive demain ; cela va peut-être interrompre pour quelques jours nos promenades. Il amène du monde au château… Ah ! que je vais être triste, cousine, pendant notre séparation !…


Mme CHARLES REYBAUD.