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prendre cette navigation. Différens projets furent formés à Vienne et à Bude. On proposait de creuser un canal qui devait tourner les écueils d’Orsova par un simple détour d’une lieue de France ; on parlait aussi de faire sauter les écueils ; le troisième projet enfin, et celui-là seul a été mis à exécution, était d’établir un service de bateaux à vapeur de Vienne à la mer Noire, correspondant avec les lignes autrichiennes de Constantinople, de Smyrne, d’Athènes, de Patras, de Corfou et de Trieste. Le premier bateau de la compagnie du Danube arriva, si je ne me trompe, en avril 1834. Ce ne fut pas sans peine. Les Serbes seuls connaissaient la navigation du fleuve, et, pour décider un pilote indigène à conduire le bateau, il fallut lui persuader que le prince Milosch était intéressé dans l’entreprise.

En établissant ce service, l’Autriche espérait donner de l’essor à un commerce nouveau qui venait de naître, pour ainsi dire, du traité d’Andrinople. Avant 1829, les principautés attenantes au Danube ne pouvaient vendre leurs productions naturelles, surtout les blés, qu’à la Turquie ; depuis cette époque, des navires anglais et autrichiens purent, avec la permission de la Russie, venir chercher des grains à Galacz et à Brahilof. Une quarantaine fut établie à Soulina, et les bâtimens, quelle que fût leur patente, purent commercer avec l’intérieur de l’Europe. Enfin, en 1840, l’Autriche et la Russie conclurent pour dix années une convention par laquelle le gouvernement russe s’engageait, comme je l’ai dit, à débarrasser des sables qui l’obstruaient la bouche de Soulina, à la maintenir navigable, et à n’opposer aucune entrave aux mouvemens d’entrée et de sortie. Deux années se passèrent sans que la Russie parût se rappeler ses engagemens ; en 1842 pourtant, et dans les premiers mois de 1843, on commença quelques travaux, puis on les abandonna en assurant qu’ils seraient repris dès que l’on aurait reçu d’Angleterre les machines nécessaires. Ces machines se confectionnent, à ce qu’il parait, fort lentement, car on n’en parle plus, et la presse allemande se plaint sans cesse de l’inexécution du traité de 1840. Pourtant le commerce du bas Danube se développe malgré la Russie ; en veut-on la preuve ? En 1830, s’il faut en croire le Messager d’Odessa, 418 bâtimens entrèrent par la mer Noire dans le fleuve. En 1844, on a compté 2,030 navires allant prendre chargement la plupart à Galacz et à Brahiloff. Si, malgré tous les obstacles dont nous avons parlé, le commerce prospère, quel développement ne pourrait-il pas atteindre si la voie du Danube était abrégée par le canal de Kustendjé, et si les bâtimens trouvaient à l’embouchure un bon port au lieu d’un marais insalubre, où, sous prétexte de peste, on con-