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les seuls bourgeois. La réaction libérale était donc manifeste, même chez cette classe d’électeurs qui semblait le moins disposée à la subir.

En présence de ces résultats, le parti catholique s’est mis à affecter, dans l’exercice de ses droits, une modération jusque-là inconnue. La nomination du jury universitaire pour 1845 a été presque impartiale : l’université de Louvain, qui fournissait précédemment plus des deux tiers des examinateurs, s’est vue réduite à marcher de pair avec l’université de l’état, la plus favorisée, et, pour la première fois depuis l’institution du jury, l’université libre de Bruxelles a fourni deux ou trois noms. Mais la position nouvelle des libéraux leur permet de prendre l’offensive, même à défaut des excitations de la lutte. Sur quarante-huit députés à réélire au mois de juin dernier, ils n’ont pas perdu une seule voix, tandis que les catholiques, malgré la protection évidente du cabinet, en ont perdu huit. Aujourd’hui, les deux partis se balancent dans la chambre des représentans ; les douze ou quinze ministériels de fondation qui ont survécu à la débâcle électorale peuvent seuls, y déterminer la majorité. Il faut donc s’attendre, pour 1847, époque où la seconde moitié des représentans aura subi la réaction actuelle, à voir surgir dans cette chambre une majorité libérale pour laquelle la minorité flottante ne sera qu’un appoint superflu.

La retraite de M. Nothomb ne peut que précipiter la chute du parti ultramontain. Deux défaites électorales, qui ont frappé indistinctement les candidats catholiques et les candidats ministériels proprement dits, ont éclairé l’ancien ministre sur l’impossibilité de séparer ses opinions de ses actes, et d’excuser, par des exigences parlementaires, le concours qu’il a prêté à la majorité vaincue. Il veut profiter des deux ans qui doivent s’écouler jusqu’aux premières élections pour se réconcilier avec la majorité naissante. Réussira-t-il à convaincre les libéraux de sa bonne foi ? C’est douteux, d’autant plus douteux que MM. Lebeau, Devaux et Rogier sont personnellement intéressés à compromettre ce dangereux concurrent. Cependant un homme de cette portée d’esprit ne disparaît pas en un jour de la scène politique. Dans deux ou trois ans, quand de nouvelles élections auront ébréché la majorité catholique du sénat, M. Nothomb pourrait bien reparaître à la tête d’un ministère de transition, qui reproduirait, au profit des libéraux, le rôle passif qu’a joué le dernier cabinet au profit des catholiques, et qui amènerait ainsi, sans secousses, cette transformation parlementaire dont le renouvellement intégral, du sénat est aujourd’hui l’unique condition.