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port du progrès des sociétés humaines et de leur prospérité industrielle, toutes les branches de la connaissance de la nature n’ont pas la même valeur intrinsèque. On établit très arbitrairement des degrés d’importance entre les sciences mathématiques, l’étude des corps organisés, la connaissance de l’électro-magnétisme, l’investigation des propriétés orales de la matière dans ses divers états d’agrégation moléculaire. On déprécie présomptueusement ce que l’on croit flétrir par le nom de « recherches purement théoriques. » On oublie, et cette remarque est pourtant bien ancienne, que l’observation d’un phénomène qui paraît d’abord entièrement isolé renferme souvent le germe d’une grande découverte. Lorsque Aloysio Galvani excita pour la première fois la fibre nerveuse par le contact accidentel de deux métaux hétérogènes, ses contemporains étaient loin d’espérer que l’action de la pile de Volta nous ferait voir dans les alcalis des métaux à lustre d’argent, nageant sur l’eau et éminemment inflammables ; que la pile elle-même deviendrait un instrument puissant d’analyse chimique, un thermoscope et un aimant. Lorsque Huyghens observa le premier, en 1678, un phénomène de polarisation, la différence qui existe entre les deux rayons dans lesquels un faisceau de lumière se partage en traversant un cristal à double réfraction, on ne prévoyait pas que, presque un siècle et demi plus tard, la grande découverte de la polarisation chromatique par M. Arago conduirait cet astronome-physicien à résoudre, au moyen d’un petit fragment de spath d’Islande, les portantes questions de savoir si la lumière solaire émane d’un corps solide ou d’une enveloppe gazeuse, si les comètes nous envoient de la lumière propre ou réfléchie.

L’appréciation égale de toutes les branches des sciences mathématiques, physiques et naturelles, est le besoin d’une époque où la richesse matérielle des états et leur prospérité croissante sont principalement fondées sur un emploi plus ingénieux et plus rationnel des productions et des forces de la nature. Un rapide coup d’œil jeté sur l’état actuel de l’Europe rappelle qu’au milieu de cette lutte inégale des peuples qui rivalisent dans la carrière des arts industriels, l’isolement et une lenteur indolente ont indubitablement pour effet la diminution ou l’anéantissement total de la richesse nationale. Il en est de la vie des peuples comme de la nature, qui, selon une heureuse expression de Goethe, « dans son impulsion éternellement reçue et transmise, dans le développement organique des êtres, ne connaît ni repos, ni arrêt, qui a attaché sa malédiction à tout ce qui retarde et suspend le mouvement. » C’est la propagation des études fortes et