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font naître la question de savoir si des considérations générales peuvent avoir un degré suffisant de clarté là où manque l’étude détaillée et spéciale de l’histoire naturelle descriptive, de la géologie ou de l’astronomie mathématique. Je pense qu’il faut distinguer d’abord entre celui qui doit recueillir les observations éparses et les approfondir pour en exposer l’enchaînement, et celui à qui cet enchaînement doit être transmis sous la forme de résultats généraux. Le premier s’impose l’obligation de connaître la spécialité des phénomènes ; il faut qu’avant d’atteindre à la généralisation des idées, il ait parcouru, du moins en partie, le domaine des sciences, qu’il ait observé, expérimenté, mesuré lui-même. Je ne saurais nier que là où manquent les connaissances positives, les résultats généraux ne peuvent pas tous être développés avec le même degré de lumière ; mais j’aime à croire cependant que, dans l’ouvrage que je prépare sur la physique du monde, la partie la plus considérable des vérités sera mise en évidence sans qu’il soit nécessaire de remonter toujours aux principes et aux notions fondamentales. Ce tableau de la nature, dût-il même présenter, dans plusieurs de ses parties, des contours peu arrêtés, n’en sera pas moins propre à féconder l’intelligence, à agrandir la sphère des idées, à nourrir et à vivifier l’imagination.

Ce n’est peut-être pas à tort que l’on a reproché à plusieurs ouvrages scientifiques de l’Allemagne d’avoir diminué, par l’accumulation des détails, l’impression et la valeur des aperçus généraux, de ne pas séparer suffisamment ces grands résultats qui forment, pour ainsi dire, les sommités des sciences, de la longue énumération des moyens qui ont servi à les obtenir. Ce reproche a fait dire avec humeur au plus illustre de nos poètes : « Les Allemands ont le don de rendre les sciences inaccessibles. » L’édifice terminé ne peut produire de l’effet que si on le débarrasse de l’échafaudage qui a été nécessaire pour le construire. Ainsi, l’uniformité de figure que l’on observe dans la distribution des masses continentales, qui toutes se terminent vers le sud en forme de pyramide et s’élargissent vers le nord, peut être saisie avec clarté sans que l’on connaisse les opérations géodésiques et astronomiques par lesquelles ces formes pyramidales des continens ont été déterminées. De même, la géographie physique nous apprend de combien de lieues l’axe équatorial est plus grand que l’axe polaire du globe ; elle nous apprend l’égalité moyenne de l’aplatissement des deux hémisphères, sans qu’il soit nécessaire d’exposer comment, par la mesure des degrés du méridien ou par des observations du pendule, on est parvenu à reconnaître que la véritable figure de la terre