Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/765

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Guillaume de Humboldt l’a exposé dans son grand ouvrage sur la langue kavi et les langues qui ont des rapports de structure avec elle.

Malgré toutes les entraves que, sous des latitudes boréales, l’excessive complication des phénomènes opposait à la découverte des lois de la nature, c’est précisément à un petit nombre de peuples habitant la zone tempérée que s’est révélée d’abord une connaissance intime et rationnelle des forces qui agissent dans le monde physique. C’est de cette zone boréale, plus favorable apparemment aux progrès de la raison, à l’adoucissement des mœurs et aux libertés publiques, que les germes de la civilisation ont été importés dans la zone tropicale, tant par ces grands mouvemens des races qu’on appelle migrations des peuples, que par l’établissement de colonies, fort différentes d’ailleurs par leurs institutions, dans les temps phéniciens ou helléniques et dans nos temps modernes.

En rappelant les lumières que la succession des phénomènes nous offre sur la cause qui les produit, j’ai touché à ce point important où, dans le contact avec le monde extérieur, à côté du charme que répand la simple contemplation de la nature, se place la jouissance qui naît de la connaissance des lois et de l’enchaînement mutuel de ces phénomènes. Ce qui long-temps n’a été que l’objet d’une vague inspiration est parvenu peu à peu à l’évidence d’une vérité positive. L’homme s’est efforcé de trouver, comme l’a dit un poète immortel, « le pôle immuable dans l’éternelle fluctuation des choses créées. »

Pour remonter à la source de cette jouissance qui se fonde sur l’exercice de la pensée, il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur les premiers aperçus de la philosophie de la nature ou de l’antique doctrine du Cosmos. Nous trouvons chez les peuples les plus sauvages (et mes propres courses ont confirmé cette assertion) un sentiment secret et mêlé de terreur de la puissante unité des forces de la nature, d’une essence invisible, spirituelle, qui se manifeste dans ces forces, soit qu’elles développent la fleur et le fruit sur l’arbre nourricier, soit qu’elles ébranlent le sol de la forêt ou qu’elles tonnent dans les nuages. Il se révèle ainsi un lien entre le monde visible et un monde supérieur qui échappe aux sens ; l’un et l’autre se confondent involontairement, et, dépourvu de l’appui de l’observation, simple produit d’une conception idéale, le germe d’une philosophie de la nature ne s’en développe pas moins dans le sein de l’homme.

Chez les peuples les plus arriérés en civilisation, l’imagination se plaît au jeu de créations bizarres et fantastiques. La prédilection pour le symbole influe simultanément sur les idées et sur les langues. Au