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Plus d’une fois sans doute il vous est arrivé de rencontrer à Paris, aux Champs-Élysées, dans un magnifique équipage, un homme jeune encore, aisément reconnaissable à sa peau couleur de bistre, à ses grands yeux orientaux souvent battus par la fièvre, à sa physionomie tour à tour sévère et mélancolique : c’est Dyce Sombre, le fils de la begom. A lui aussi ce nom de Sombre a porté malheur. Allié à une des premières familles de l’aristocratie britannique, la conduite plus que légère de sa femme a poussé plusieurs fois jusqu’aux limites de la folie le malheureux Indien, dont on excitait les passions jalouses. Tout récemment (et on assure que c’est pour jouir plus tôt de ses dépouilles), elle a cherché à le faire enfermer comme fou. Nous devons ajouter, à la honte de la législation de son pays, qu’elle y était d’abord parvenue. Lui aussi cependant a su s’échapper de son château d’If, et, recueilli sur un sol hospitalier, défendu par les témoignages les plus illustres de la science, il est parvenu à faire réviser son procès et à déjouer une odieuse trame. Il a reconquis ses millions ; mais que lui importe sa fortune ? Il n’a plus une affection, et son cœur est brisé. Puisse-t-il trouver, à défaut de bonheur, sur la terre où il s’est exilé, des sympathies, du repos et une patrie !

Cte Edouard de Warren