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avaient signalé le commencement de sa vie, il mourut sur le trône le plus puissant de l’Inde. Ce fut encore lui qui parvint à installer à Hyderabad, chez le nizam, le fameux Raymond, qui succéda pendant quelques années à la position et à la renommée de Bussy. Enfin son influence se fit sentir jusque chez Hyder Ali et Tippou, dans le Mysore, où il entretenait une correspondance avec Lally, neveu de l’infortuné général de ce nom. Il tenait ainsi les fils d’un immense réseau souvent brisé par les efforts des gouverneurs de la compagnie anglaise, mais sans cesse renoué par l’infatigable activité du mari de la begom. Sombre retardait ainsi l’asservissement graduel de l’Inde, il consolidait le petit trône sur lequel il était lui-même assis, et il favorisait enfin les intérêts de la France, nous n’osons dire ses vues, car la France, à cette époque, était incapable de comprendre la mission quelle aurait pu remplir dans l’Inde.

Cependant neuf ans s’étaient écoulés depuis l’arrivée de Sombre dans l’état de Sardannah, et le vaste génie qui présidait alors aux destinées de la colonie anglaise n’avait pas tardé à découvrir le point d’où surgissaient tant d’obstacles, d’où partaient tant de coups inattendus. Warren Hastings voyait avec autant de surprise que de colère une barrière infranchissable s’élever sans cesse entre lui et cet obscur aventurier qui se trouvait toujours comme une pierre d’achoppement sur le chemin de sa gloire ; il lui tardait de s’en défaire, et les leçons de Clive l’avaient rendu peu scrupuleux sur les moyens d’arriver à ce résultat. Malheureux dans ses premières tentatives, un hasard inespéré vint enfin lui offrir l’instrument qu’il cherchait. Un jeune homme du nom de Dyce, chassé, pour quelque infraction à l’honneur, d’un régiment de l’armée britannique, s’était présenté à lui, demandant à se rouvrir l’accès de la société qui l’avait justement exclus, en menant à bien quelque entreprise désespérée. La bonne mine du jeune homme, son adresse et son courage séduisirent Hastings. Dyce fut chargé de se présenter à la cour de Sardannah pour y organiser une intrigue qui délivrât la compagnie de son dangereux adversaire. On ne pouvait faire pour une mission de ce genre un choix plus heureux. Doué du plus agréable extérieur, d’une figure charmante, des manières les plus gracieuses et les plus chevaleresques, Dyce ne pouvait manquer de plaire. Il avait d’ailleurs à se plaindre amèrement des outrages, des persécutions que lui avaient fait essuyer ses compatriotes, et de tels récits devaient intéresser Sombre lui-même, que les Anglais avaient plus d’une fois poursuivi de leurs calomnies.

L’événement justifia les prévisions de Hastings. Dés que Dyce se