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LA


BEGOM SOMBRE.




SOUVENIRS D'UN VOYAGEUR DANS L'INDE.




I.

C’était le 1er mai de l’année 1777, une chaleur dévorante pesait sur la nature muette et assoupie. Les plaines qui bordent la Djoumna semblaient nager dans une atmosphère lumineuse. L’air était chargé de molécules brûlantes, et de légères bouffées, soufflant à intervalles inégaux, commençaient déjà à enlever en petites spirales la poussière que le vent du désert allait bientôt chasser d’un mouvement rapide et continu. À cette heure accablante pour le voyageur, on aurait pu voir dans ces plaines arides deux cavalcades qui se suivaient à environ un mille de distance et se dirigeaient vers une rangée de tentes que l’on apercevait à l’horizon. Le premier de ces groupes se composait de quatre voyageurs, qui touchaient évidemment au terme d’une marche longue et pénible ; deux seulement étaient montés ; les deux autres les suivaient à pied, portant, outre les couvertures et les cordes nécessaires au campement, un fusil et une hallebarde. Le chef de la petite caravane était un homme d’environ trente-cinq ans, monté sur un coursier turcoman d’une race très estimée des frontières du Khorassan. Une selle fort élégante de velours cramoisi, une housse en cachemire