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des mêmes sentimens, car les populations autrichiennes ont pour la Russie et le czar assez peu de sympathie. L’empereur Nicolas n’a guère pour partisans que M. le prince et Mme la princesse de Metternich, qui ont réussi à vaincre les répugnances de la famille impériale. Cependant la cour de Vienne n’a pas consenti au mariage de l’archiduc Étienne sans stipuler certaines conditions. Elle a exigé de l’empereur Nicolas un meilleur traitement pour ceux de ses sujets qui appartiennent à la foi catholique ; elle lui a demandé de s’entendre avec la cour de Rome à cet égard. Voilà, assure-t-on, la cause réelle du voyage du czar en Italie. L’empereur aurait tout accordé, excepté le changement de religion de la grande-duchesse Olga. Les journaux qui parlent de la conversion de cette princesse au catholicisme ne peuvent être pris au sérieux. Jamais l’empereur, dit-on, n’y donnera son consentement. Quelle autorité morale aurait sur des populations slaves une fille du czar qui aurait abdiqué la religion grecque ? Que gagnerait l’empereur à blesser ainsi les susceptibilités religieuses de ses propres sujets ? Non, le czar n’a pas cédé et ne cédera pas sur un point aussi essentiel, et c’est sur d’autres objets qu’il a promis des concessions que les deux cours de Vienne et de Rome feront bien de consacrer par un traité en bonne forme. L’empereur Nicolas est d’humeur mobile et fantasque ; ses passions d’ailleurs pourraient lui faire oublier ses promesses. Que le gouvernement autrichien et le saint-siège ne laissent pas échapper cette occasion de mettre les sujets catholiques du czar sous la sauvegarde d’une convention écrite.

Rome a dans les mains d’importantes affaires, dont la conclusion intéresse gravement la catholicité. Le gouvernement espagnol est en instance auprès d’elle pour en obtenir la reconnaissance de la reine Isabelle. Il demande aussi l’approbation de la vente des biens ecclésiastiques, en s’engageant à assurer au clergé une juste indemnité. La cour de Rome aurait-elle raison de continuer à éluder, comme elle l’a fait depuis huit mois, la solution des difficultés pendantes ? Est-elle certaine d’avoir toujours à traiter avec un ministère qui fasse autant de sacrifices que le cabinet Narvaez au désir de se réconcilier avec le saint-siège ?

Pendant quelque temps, tout annonçait que le différend de M. Alleye de Cipreye avec le gouvernement de Mexico se terminerait à l’amiable. Nous l’avons dit, et alors nos informations étaient exactes. Depuis, la scène a changé, et en vérité, quand on est en face de ces jeunes et sauvages républiques de l’Amérique espagnole, il devient presque naïf de faire fonds sur les vraisemblances les plus raisonnables. Ce que ces gouvernemens voulaient hier, ils ne le veulent plus aujourd’hui. Ces démocraties au berceau ont toutes les violences et les caprices du pouvoir absolu.

Les négociations de M. de Bourqueney auprès de la Porte pour obtenir le redressement de certains griefs au sujet des affaires du Liban n’ont eu qu’un demi-succès, et il est à regretter que notre ambassadeur ait bruyamment dénoncé un ultimatum qu’il devait en partie abandonner plus tard.