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notre égard depuis 1842. Il ne paraît pas les avoir convaincus, si l’on considère les difficultés qui arrêtent en ce moment les négociations entre les deux pays.

M. le ministre des affaires étrangères désespère sans doute d’amener la Belgique à éteindre la contrefaçon ; aussi on assure qu’il s’occupe de négocier avec la Grande-Bretagne et la diète germanique pour obtenir la réciprocité entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne, en fait de propriété littéraire. Il est bon de constater que dans cette circonstance M. Guizot défère aux vœux exprimés le printemps dernier par plusieurs députés, entre autres par l’honorable M. Vivien. Si l’on pouvait arriver, disait ce dernier, à des traités sur la propriété littéraire avec la Prusse, l’Angleterre, la Saxe, on parviendrait à bloquer, pour ainsi dire, la Belgique, et à détruire son industrie de contrebande. » Il importe d’autant plus de se hâter, que des ateliers de contrefaçon se sont établis sur les bords du Rhin, à Mayence, à Cologne surtout. Le mal est grand, mais le remède est simple, et nous l’avons sous la main. La législation des différens états de l’Allemagne reconnaît la propriété littéraire pour les pays qui offriront la réciprocité. Il est temps de commencer le siége en règle de la contrefaçon littéraire, de réduire, comme nous l’avons demandé depuis, long-temps, les peuples contrefacteurs à leur seule consommation, et de concentrer le mal dans son propre foyer. Il y a là, pour la France, un intérêt commercial, un intérêt d’honneur, que notre diplomatie doit servir et protéger. En défendant à la tribune le traité conclu avec la Sardaigne, M. le ministre des affaires étrangères se félicitait d’avoir fait un premier pas pour établir en Europe le principe général de la propriété littéraire et de la suppression de la contrefaçon. Il doit penser que le moment est venu, pour lui, de donner à ses paroles la sanction des actes, surtout quand il voit les résistances de la Belgique aux plus justes demandes.

Les voyages de l’empereur Nicolas ont toujours eu le privilège d’occuper l’attention de l’Europe, qui suit avec curiosité les pérégrinations incessantes du touriste couronné. Cette fois, si le czar a encore quitté ses états, ce n’est pas uniquement pour accompagner l’impératrice à Palerme. La nouvelle course de l’empereur a un but politique qui n’est pas sans gravité. La constante ambition de la Russie, on le sait, est de se concilier les sympathies des populations slaves, et d’exercer sur elles une profonde et intime influence. C’est dans ce dessein qu’en 1800 la politique russe fit épouser la grande-duchesse Alexandra-Paulowna, fille de l’empereur Paul, à l’archiduc Joseph, le père même du jeune archiduc Étienne. Il serait difficile d’exprimer la sensation que produisit sur les populations slaves de la Bohême et de la Hongrie la présence d’une princesse professant la religion grecque ; la cour de Vienne s’en inquiétait visiblement, lorsque la grande-duchesse Paulowna vint à mourir en 1801. Aujourd’hui les mêmes vues dictent au cabinet de Saint-Pétersbourg la même conduite. L’empereur Nicolas veut marier sa fille, la grande-duchesse Olga, à l’archiduc Étienne. La cour de Vienne cède à cette volonté, mais à contre-cœur, et cette fois la cour et le peuple sont animés