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à vapeur, nous avons pu jeter en un clin d’œil sur les côtes d’Afrique plus de douze mille hommes et quinze cents chevaux, avec vivres et matériel. Ces résultats, facilement obtenus, doivent nous inspirer une juste confiance pour l’avenir d’une colonie placée sous l’action si immédiate, de la métropole.

Au moment où l’Algérie exige de notre part de nouveaux efforts, faut-il exciter le gouvernement à tenter l’œuvre d’une autre colonisation plus lointaine, et que l’inclémence du climat sur plusieurs points des côtes peut rendre si périlleuse ? Quelques esprits ardens, aventureux, n’hésitent pas à prêcher une croisade pour la conquête et la colonisation de Madagascar nous montrent Madagascar dominant tout le littoral africain, devenant le centre des relations du Cap, de tout le littoral oriental de l’Afrique, de l’Arabie, et de la côte occidentale de l’Inde. Ils demandent si on négligera de s’emparer de cette admirable position, d’où la France peut surveiller les mouvemens du monde asiatique. Pendant que l’Angleterre et la Russie se disputeraient l’Asie, nous serions par Madagascar et l’Algérie les maîtres de l’Afrique. C’est possible ; mais commençons d’abord par la colonie qui est à cinquante heures de la France, et laissons sa tâche à l’avenir. Si l’esprit et l’imagination peuvent tout embrasser d’un coup d’œil, l’action politique d’un gouvernement sage ne doit procéder que par développemens successifs.

En deux mots, voici l’état de la question pour ce qui concerne Madagascar. Le droit est pour nous. Il y a précisément deux siècles, en 1642, en 1648, la France fit acte de souveraineté sur la terre de Madagascar : sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, cette souveraineté fut exercée, tant par des délégations à des compagnies particulières que par des gouverneurs-généraux. La convention nationale et Napoléon songèrent à coloniser le sol malgache. Enfin, aux termes des traités de 1814, l’Angleterre s’engagea à restituer à la France les colonies et les établissemens qu’elle possédait au 1er janvier 1792, à l’exception de Tabago, de Sainte-Lucie, de l’Île-de-France et de ses dépendances. Or, au nombre des colonies et des établissemens possédés par la France en 1792, était Madagascar. À la fin de 1815, le gouverneur anglais de l’île Maurice, sir Robert Farquhar, imagina de considérer comme une dépendance de cette île nos établissemens de Madagascar. Cette interprétation était tellement judaïque, que le cabinet de Saint-James n’entreprit pas de la soutenir, et il donna l’ordre de remettre à l’administration de Bourbon les anciens établissemens français de Madagascar, dont sir Robert Farquhar s’était emparé. Peut-on désirer une plus éclatante reconnaissance des droits de la France ?

Ces droits que la restauration a maintenus par ses négociations, par des essais d’établissement sur certains points, et par une expédition, ces droits sont entiers aujourd’hui. Il appartient à la France de les exercer dans la mesure qu’elle jugera la plus convenable à ses intérêts. Ce ne peut être que dans la pensée de faire un acte conservatoire de ces droits sans préjuger