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eaux sont simplement salines et gazeuses, et leur température est, à peu de chose près, la même que celle des sources ordinaires. Il faut croire qu’elles remontent du sein de la terre par des infiltrations assez divisées, ou qu’elles séjournent assez long-temps près de la superficie pour avoir le temps de perdre leur chaleur, car les symptômes de l’action souterraine n’y sont pas moins frappans que dans celles de Carlsbad ou de Teplitz. Du reste, si elles se dépouillent de leur chaleur, en revanche elles se chargent de gaz, et c’est une compensation qui achève de les différencier sans rien laisser à regretter. C’est à Teplitz qu’il y a le plus d’eau : en somme, environ cent mètres cubes par heure ; à Carlsbad, il n’en sort que six ; à Francesbad, il en sort trente : je ne retrouve plus mes notes sur le produit de Marienbad. Quant au nombre des orifices, il est de treize à Teplitz, de neuf à Carlsbad, de cinq à Marienbad, et de cinq aussi à Francesbad. Bien que les diverses sources d’une même localité ne soient en général que les ramifications d’un même conduit, et que le géologue puisse, à son point de vue, les traiter comme parfaitement analogues, le médecin y met plus de différence, et sait choisir entre elles selon les cas. La variété, dans certaines limites, n’est donc pas inutile, et c’est un principe que l’on ne considère peut-être pas assez à Francesbad, où rien ne serait plus facile que d’augmenter le nombre des sources officielles, tandis qu’à Carlsbad, tout au contraire, l’abus inverse est évident.

Tout compte fait, ce sont les eaux de Francesbad qui sont les plus riches de la Bohême : le litre de la source de François contient 3,60 grammes en sels divers, principalement en sulfate et carbonate de soude. Il est vrai que le Sprudel, à Carlsbad, donne, pour la même mesure, 4,66 grammes, principalement aussi des mêmes sels ; mais, en revanche, tandis qu’à Carlsbad le litre ne renferme que 280 centimètres cubes d’acide carbonique, on en trouve à Francesbad 1220. A Teplitz, les eaux, si efficaces qu’elles soient, paraissent comparativement bien pauvres, car la Hauptquelle ne fournit à l’analyse que 0,47 grammes de sels, et 16 centimètres cubes d’acide carbonique. Quant à Marienbad, je me contenterai de dire qu’il forme un milieu entre Carlsbad et Francesbad.

C’est cette forte proportion d’alcali, réunie par une coïncidence si extraordinaire à une si forte proportion d’acide, qui confère aux eaux de Francesbad leur vertu singulière. On voit des eaux aussi alcalines, on voit des eaux aussi gazeuses, on n’en connaît pas qui soient aussi alcalines et aussi gazeuses tout ensemble. De là vient que, par une sorte de contradiction thérapeutique, elles sont calmantes sans être débilitantes, fortifiantes sans être irritantes, animantes, dissolvantes. Telle est, au juste, la définition qu’en pourrait proposer un chimiste sur l’aperçu de leur contenu, tant il est explicite, et c’est effectivement celle qu’a consacrée depuis long-temps l’expérience des malades. Ces eaux servent même de correctif à certaines autres. Ainsi, les personnes affaiblies par l’usage prolongé des eaux alcalines de Carlsbad viennent, en terminant leur cure, reprendre de la force à celles-ci, et elles se rencontrent avec d’autres patiens, irrités au contraire par l’emploi des