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Après avoir accompli ces périlleuses entreprises, Gaston rentra sans bruit dans la salle et s’assit à l’écart ; la présence de cette jeune fille, qui causait avec tant de grâce et d’aisance, l’intimidait et le gênait. Pendant le souper, il ne lui adressa pas une seule fois la parole directement, et c’était avec un profond dépit qu’il sentait la rougeur lui monter au front chaque fois que, levant sur lui ses yeux d’un bleu indécis, elle semblait l’interpeller ou lui répondre. Quand l’horloge sonna neuf heures, le baron se leva, et, faisant signe à la baronne de prendre un flambeau, il voulut, selon l’antique usage, conduire la nouvelle venue jusqu’à la chambre qui lui était destinée. Cette chambre, où couchait Anastasie, était la même qu’Agathe de Colobrières occupait jadis ; l’on n’avait rien ajouté, rien changé à l’ameublement ; c’était toujours le même arrangement, la même propreté soigneuse, presque élégante.

Le baron et sa femme se retirèrent après avoir embrassé Éléonore. Alors la jeune fille s’assit, et, appuyant son front sur l’épaule d’Anastasie, elle fondit en larmes.

— Ma cousine, hélas ! qu’avez-vous ? que se passe-t-il donc ? lui demanda celle-ci tout émue.

— Ah ! répondit-elle, je n’espérais pas un si bon accueil….. Le baron de Colobrières m’appelle sa nièce…. Il me reçoit dans sa maison ; mais ma pauvre mère, je le vois bien, n’est pas rentrée en grâce auprès de lui…. Lorsque j’ai essayé de lui parler d’elle, il a froncé les sourcils et changé de propos…. Mon Dieu ! il ne lui pardonnera donc jamais !…


Mme CHARLES REYBAUD.