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s’y trouvent comme représentées par étages ; temps primitifs, droit coutumier, féodalité, monarchie, il faudrait unir tout cela et en former l’œuvre que l’Allemagne réclame. La constitution vraiment germanique serait enfin découverte ; elle ne serait ni anglaise, ni américaine, ni française surtout ; ses pères, ses législateurs, ce seraient les héros de la Walhalla ; on n’oublierait que Luther et Frédéric-le-Grand. Nous parlons sérieusement, et nous serons bien surpris si quelques-unes de ces étranges idées ne se retrouvent pas dans le projet de constitution qui se prépare ; elles ont déjà percé visiblement dans les discours de 1840. Seulement, les difficultés seront-elles résolues alors ? Aura-t-on réussi par là à calmer les exigences de l’opinion ? Il faudrait une singulière confiance pour l’espérer. Cependant, comme Frédéric-Guillaume aura donné par ses discours les gages les plus sérieux, l’opposition, enhardie, poursuivra toujours son but. Peu importe donc que les dispositions du roi soient aujourd’hui défavorables à la cause constitutionnelle ; les engagemens qu’il a pris, ceux qu’il prendra encore, devront modifier tôt ou tard sa pensée, et le mouvement de l’opinion publique l’entraînera, nous l’espérons, dans les voies fécondes de la société moderne.

Le plus redoutable adversaire du parti constitutionnel, c’est bien évidemment le cabinet autrichien, et surtout le politique éminent qui dirige ce cabinet. Personne n’ignore en Europe quelle est l’influence de M. le prince de Metternich. Voilà trente-six ans que le prince est aux affaires ; pendant ces trente dernières années, si l’on regarde au fond des choses, c’est lui qui a gouverné l’Allemagne. Arrivé au pouvoir en 1809, M. de Metternich a assisté à l’enthousiasme populaire de 1813, aux promesses généreuses des souverains, au soulèvement de toute l’Allemagne ; il est même un de ceux qui ont dirigé ce mouvement des peuples, et on sait qu’il reçut le titre de prince après la bataille de Leipsig. Puis, dès le lendemain de la victoire, il a laissé à cette noble ferveur le temps de se calmer, et, secrètement, sans éclat, il s’est mis à lutter pied à pied contre cet esprit libéral. Il y a une phrase curieuse prononcée par l’empereur François à l’une des diètes de Hongrie : Totus mundus stulticitat, et vult habere novas constitutiones ; sed vos jam habetis unam constitutionem antiquam, ut non opus sit his novitatibus peregrinis ; Eh bien M. de Metternich poursuivait cette folie de constitution, et voulait, par charité, en guérir l’Allemagne. Surveillant à la fois les souverains et les peuples, tantôt il faisait retirer par la diète les libertés accordées, tantôt il arrêtait les gouvernemens dans leurs concessions trop généreuses. Il a