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le règne de Frédéric-Guillaume III. Elles se laissèrent enlever, l’une après l’autre, les garanties qu’on leur avait d’abord accordées. On les vit même s’annuler à un tel point, qu’elles permirent aux gouvernans d’abolir, non plus telle ou telle liberté, mais la constitution même. C’est ce qu’on osa faire, il y a huit ans à peine, dans le royaume de Hanovre. Les sert professeurs qui protestèrent contre ce coup d’état, et qui y perdirent leurs chaires, ont sauvé l’honneur de Goettingue ; mais les chambres de Hanovre, dont l’indifférence encouragea l’audace du roi Ernest, furent plus coupables sans doute que le gouvernement qui violait la loi. Or, imaginez une tribune à Berlin, imaginez la vie publique régulièrement constituée, et l’esprit parlementaire se développant avec force au sein d’une cité savante et libérale : pensez-vous que les députés du Hanovre se seraient endormis si volontiers, et qu’il n’y aurait eu que sept voix dans tout le royaume pour dénoncer l’iniquité commise ? Ces chambres, si découragées jadis, semblent se réveiller depuis quelque temps ; d’où vient ce réveil ? Il date précisément de l’époque où les espérances constitutionnelles ont reparu en Prusse. C’est depuis 1840, c’est depuis les discours de Frédéric-Guillaume IV, que les réunions des chambres, à Carlsruhe, à Stuttgard, à Dresde, ont présenté un intérêt sérieux. A Carlsruhe, en 1842, M. Welcker osa entrer en lutte avec la diète elle-même ; cette vive et brillante campagne était impossible il y a dix ans. Le parti libéral doit donc trouver encore dans les vœux de toute l’Allemagne un secours direct, une assistance efficace. Cette force nouvelle s’ajoutera aux ressources dont il dispose, et légitimera de plus en plus son avènement.

Nous avons indiqué les forces du parti constitutionnel ; que faut-il conjecturer sur le succès de sa cause ? Nous avons signalé le travail de l’opinion, le mouvement des différens groupes ; voilà, certes, des garanties sérieuses : quels sont maintenant les obstacles ? D’où sortiront les difficultés ? Des dispositions personnelles de Frédéric-Guillaume IV et de l’hostilité déclarée du prince de Metternich ? Je n’ai que deux mots à dire sur ce point.

On a vu suffisamment par tout ce qui précède quel est le caractère du roi, et le genre de difficultés ou de secours que la cause libérale rencontrera sur les marches du trône. Frédéric-Guillaume IV n’est certainement pas un esprit ordinaire ; c’est une intelligence tout-à-fait distinguée, une nature riche, douée des qualités les plus brillantes, ornée de l’instruction la plus variée seulement, est-ce bien un homme d’état ? Pour parler net, il est permis d’en douter. Ce roi artiste, ce brillant