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que le ministère, en Wurtemberg, a proposé aux chambres un nouveau projet de loi, approprié aux lumières de l’Allemagne. Dans le grand-duché de Bade aussi, les chambres, l’année dernière, ont eu à examiner un projet de législation conçu dans cet esprit libéral, et un homme éminent de ce pays, M. Mittermaier, publiait, il y a quelques mois, un ouvrage approfondi sur cette matière. C’est beaucoup déjà ; ce n’est point encore assez : la Prusse surtout se doit à elle-même de protester sans trêve contre l’incroyable administration de la justice. Tandis que les philosophes commentent en chaire les promesses de 1815 et de 1840, n’est-ce pas aux jurisconsultes de Berlin, de Bonn, de Halle, de Kœnigsberg, qu’il appartient de combattre efficacement la barbarie d’une législation inique et de faire entendre, comme nos vieux parlemens, de vigoureuses remontrances ? Les universités, nous l’avons dit, sont déjà entrées dans cette voie féconde ; elles s’y avanceront davantage, toujours calmes et fortes. De telles hardiesses peuvent sembler bizarres, irrégulières ; mais, si l’on examine la situation des choses, il faut bien reconnaître le droit de ces savantes assemblées. Ce droit ne cessera que le jour où il y aura une tribune à Berlin.

Ce ne sont pas seulement les partis libéraux de la Prusse qui réclament ces fortes institutions ; toute l’Allemagne s’y intéresse comme à une cause nationale. Nous avons vu tout à l’heure un étranger, un membre de la chambre des députés du duché de Brunswick, M. Steinacker, prendre une part active aux discussions ouvertes à Berlin ; croit-on que dans tous les états constitutionnels il n’y ait pas des milliers de cœurs qui battent, et qui désirent pour la Prusse une situation meilleure ? Pourquoi donc, malgré les défiances, malgré les antipathies de l’homme du sud contre l’homme du nord, pourquoi donc les problèmes qui s’agitent à Berlin éveillent-ils par toute l’Allemagne une sollicitude si empressée ? Il suffit de jeter les yeux sur les états constitutionnels au-delà du Rhin pour comprendre quel est leur intérêt dans ces grands débats. Sous Frédéric-Guillaume III, dès que la réaction de la diète contre les idées nouvelles eut entraîné le gouvernement prussien, les libéraux des pays voisins, découragés et à demi vaincus, reculèrent presque aussitôt. Qu’auraient-ils fait sans l’appui de la Prusse ? C’est là seulement qu’ils trouvaient les traditions vigoureuses dont leur inexpérience avait besoin ; c’était de Berlin qu’étaient sortis, avec Stem et Hardenberg, les vœux et les principes de l’Allemagne régénérée. La Prusse conduisait l’armée libérale ; si ce chef passait à l’ennemi, la déroute était inévitable. Aussi qu’arriva-t-il ? Rappelez-vous l’histoire des chambres allemandes pendant tout