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sous ce titre : Ecrits de Vacances (Ferienschriften), quelques feuilles rapides qui seront bientôt dans les mains de ses élèves. Il ne se lasse point de leur distribuer cette nourriture, et d’engager son jeune auditoire dans les problèmes de la vie politique. Singulier pays, où peuvent se rencontrer, côté des institutions de la monarchie absolue, des franchises si grandes et de si étranges libertés ! L’Allemagne est aujourd’hui ce qu’était la France au XVIIIe siècle. Quand la pensée s’éveille au sein d’une nation tout entière, quand ce besoin d’indépendance est entré dans la conscience d’un peuple, ces libres désirs se font jour par toutes les issues, quo data porta. A-t-on jamais pensé plus librement qu’au temps de Voltaire, sous le régime du droit divin, sous le gouvernement du bon plaisir ? La tribune alors, c’étaient ces brillans salons où se dépensait chaque soir tant d’esprit et de hardiesse. En Allemagne, la fermentation sourde qui agite les peuples éclate, à l’heure qu’il est, partout où elle peut, dans la chaire du philosophe, dans le sermon d’un pasteur rationaliste, dans le discours d’un corps municipal. Tout cela nous paraît étrange ; soit. C’est pourtant la conséquence obligée de l’état où est arrivé le pays. Le seul moyen de rétablir l’ordre, ce sera d’accorder la liberté véritable. Donnez à ce libre esprit qui s’emporte la place qu’il doit occuper, faites-lui sa part, établissez enfin les institutions fécondes qui permettent à ces forces vives de se développer régulièrement, sans troubles, sans conflits. En attendant, il est bien que les universités prennent ainsi la parole ; l’intervention de ces hautes assemblées paraît, à coup sûr, plus opportune que celle de tant d’écrivains sans mission.

Il convient surtout que les jurisconsultes surveillent d’une manière plus efficace ces questions législatives qui se rattachent si étroitement à la cause constitutionnelle. C’est à eux qu’il appartient de demander la publicité des tribunaux, l’indépendance des juges, la liberté de la défense. Dans une de ses meilleures leçons, dans une étude sur Fichte, après avoir rappelé les intrépides travaux de ce grand citoyen, M. Hinrichs s’écrie fièrement : « Dans ces heures de crise, les savans s’occupaient de leur science ; les théologiens songeaient, comme aujourd’hui, au salut des ames, sans jamais se soucier de la liberté de l’esprit ; les jurisconsultes enseignaient le droit romain ou exposaient l’ancienne constitution impériale qui n’existait plus, c’est-à-dire que tout le monde se taisait : le philosophe seul osa prendre la parole. » Eh bien ! quelle sera la réponse des jurisconsultes ? Ne relèveront-ils pas ce défi ? Je sais bien qu’il y a deux ans la chambre des députés du royaume de Save a été surtout occupée de ces questions si urgentes ; je sais bien