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tant d’efforts pour atteindre à la vie pratique, reste long-temps emprisonnée dans les formules de l’école ? On mettait de la passion à ces querelles d’académie : pour qui tenez-vous ? pour le parti historique ? pour l’école rationaliste ? C’était là, il y a trois ans, toute la question. Entre cette cocarde blanche et cette cocarde rouge, il fallait choisir. Ces querelles duraient depuis plusieurs années, mais elles se réveillèrent surtout en 1842. On se rappela que Frédéric-Guillaume IV protégeait l’école historique, et aussitôt on attribua à cette secrète influence les changemens dont le pays avait à se plaindre. Un des chefs de l’école historique, un de ceux qui avaient appliqué ses principes à la science du droit, M. Stahl, professeur à Erlangen, avait été appelé à l’université de Berlin, et placé dans la chaire d’Édouard Gans, qui venait de mourir. Quelques mois après, c’était M. de Schelling lui-même à qui le ministère s’adressait pour combattre l’école hégélienne. Tout cela semblait le résultat d’une réaction complète, d’un plan sérieusement concerté, et la colère des feuilles libérales devint plus vive que jamais. On sait les difficultés qui attendaient M. Stahl à Berlin : sifflets, charivaris, émeutes d’université, rien n’y manqua ; les étudians de Berlin prenaient parti contre l’état historique, et M. Stahl fut obligé de capituler avant de monter en chaire : Si M. de Schelling n’eût pas été une des gloires de l’Allemagne, l’illustre rival de Hegel courait peut-être les mêmes dangers que le successeur d’Édouard Gans. C’est ainsi que les divisions politiques s’irritaient chaque jour sous ces termes d’école. Imaginez un étranger sans guide, sans préparation, lisant la Gazette du Rhin,ou la Gazette de Kœnigsberg : il n’y voit que de savantes discussions sur le christianisme historique, et il admire ce peuple chez qui les questions de chaque jour sont si sérieuses, si désintéressées. Quelle erreur ! Ce peuple est émancipé de la veille, et derrière ces théologiens qui semblent si graves, derrière ces jurisconsultes dont le style est si pesant, il y a des partis furieux qui sont aux prises. Ce sont ces partis que nous allons voir enfin, quand toute cette fumée peu à peu se dissipera.

A l’extrémité d’abord, sous le drapeau de la réaction, sous la bannière du droit divin, je place les chefs de ce parti historique dont je viens de parler, M. Haller, M. Haevernick, M. Stahl surtout. M. Sthal, avant d’être appelé à Berlin, professait à Erlangen, où il enseignait la philosophie du droit. Cette prétendue philosophie était surtout dirigée contre les philosophes ; c’était une critique extrêmement vive des doctrines hégéliennes, et cette vivacité, souvent spirituelle, plus souvent fantasque, très amusante toujours, excita singulièrement