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choisie dans les différens états provinciaux, et chargée de se décider entre les propositions contraires émanées des états. Du reste, point de droits, aucune garantie, nulle autorité. Le roi pouvait aussi la consulter quand il le jugeait convenable ; mais la principale attribution de la diète était toujours de réconcilier, s’il y avait lieu, les états provinciaux de la Poméranie et les états provinciaux du Rhin, les députés de Posen et les députés de Kœnigsberg. C’était pour arriver à ce grand résultat que le nouveau souverain avait dépensé dans ses longs discours tant d’onction, d’ardeur, d’enthousiasme et une si complaisante éloquence !

Le décret de 1841 fut soumis aux états provinciaux et souleva, pour toute la seconde partie, une opposition très vive. Les villes réclamèrent auprès des états ; elles demandèrent par des pétitions que les promesses de 1815 et de 1840 fussent rappelées au pouvoir. Breslau, Posen, Kœnigsberg surtout, s’exprimèrent, par l’organe du magistrat, avec une netteté singulière ; elles disaient sans périphrases qu’il était impossible d’admettre que le décret du 22 février satisfit aux engagemens de la royauté. L’attitude prise à cette époque par les villes et les états est un fait très grave dans l’histoire du règne actuel. Il importait de savoir si l’esprit politique était réellement né en Prusse ; en proposant aux états l’étrange décret du 22 février, la couronne semblait mettre en doute cet esprit politique, ce sentiment de la vie publique. L’expérience ne lui réussit pas : il fut constaté, pour tous les esprits clairvoyans, que le parti constitutionnel existait très sérieusement, et qu’il n’était guère disposé à se payer d’apparences. Les protestations de Breslau et de Koenigsberg resteront comme un des titres importans de la cause libérale : elles auraient empêché la prescription des droits du pays, si cette prescription était possible. Appuyés ainsi sur l’opinion, les états purent discuter avec plus de franchise ; on ne ménagea pas les critiques au projet de loi, des amendemens nombreux et très significatifs furent votés ; c’était beaucoup. Je sais bien que ces amendemens (cela devait être) furent supprimés par le pouvoir, et qu’un an après, en 1842, une ordonnance royale, datée du 21 juin, établissait la diète de Berlin telle que l’avait proposée le décret dont nous venons de parler ; mais enfin le pays avait vu se former une opposition intelligente, et l’invention du roi de Prusse était jugée sans appel.

Que va-t-il arriver ? Quand il verra son œuvre critiquée avec une vivacité si ferme, quelle sera l’attitude du roi de Prusse ? Certes, un si rude échec lui sera pénible ; on peut dire qu’il en sera doublement blessé, car chez Frédéric-Guillaume il y a toujours le savant, le lettré,