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vrai, qu’il n’entendait point ce développement des états provinciaux dans le sens d’une représentation générale du peuple. Il n’admettait, disait-il, qu’une constitution dont les bases seraient empruntées aux traditions de l’Allemagne ; mais il ajoutait que sa volonté était de donner à cette constitution, ainsi fondée sur les souvenirs historiques et sur le droit du pays, tous les développemens qu’elle comportait et les libertés les plus sûres. L’assemblée des états accueillit avec empressement cette réponse ; elle y vit la promesse d’une représentation sérieuse, bien différente, par conséquent, de ces états provinciaux, lesquels ne devaient être, selon l’ordonnance de 1815, qu’un essai, un acheminement vers une constitution réelle et tout-à-fait sincère. La joie ne fut pas de longue durée. Trois semaines après, le 4 octobre 1840, une circulaire ministérielle rejetait absolument cette interprétation des paroles royales. Tel fut le signal des hostilités qui allaient s’envenimer chaque jour. La circulaire ne disait pas qu’elle devait être l’interprétation véritable, elle n’expliquait pas ce que le roi avait promis à son peuple quand il avait parlé du développement des institutions représentatives. Il était clair toutefois que le roi et les états provinciaux, malgré ces longs discours si brillans, ou plutôt à cause de cela même, ne s’entendaient pas, et la défiance remplaça peu à peu la foi si enthousiaste des premiers jours.

Le ministère cependant s’occupait avec activité du projet annoncé par le roi en termes si obscurs. Puisqu’on avait rejeté l’interprétation faite par les états, il importait de ne pas laisser trop long-temps l’opinion dans l’incertitude ; une décision était urgente. Rappelons ici, en peu de mots, ce qu’avait fait l’ancien règne, et sachons dans quel état Frédéric-Guillaume trouvait la question constitutionnelle.

Jusque-là, les seuls titres importans des espérances libérales en Prusse, c’était d’abord l’article 13 du pacte fédéral, et puis l’ordonnance du 22 mai 1815. On connaît la teneur de l’article 13 : « Il y aura des assemblées d’état dans tous les pays de la confédération. » Rien n’est plus vague à coup sûr, et cette prudente indécision engageait peu les gouvernemens. L’ordonnance du 22 mai 1815 est tout autrement expressive. Cette ordonnance, publiée par Frédéric-Guillaume III et contresignée par le prince de Hardenberg, proclame ouvertement qu’une représentation sera donnée au peuple prussien. Toutefois il y est dit que le gouvernement veut agir avec lenteur, avec circonspection. Les états provinciaux seront formés d’abord, puis de ces états sortira (on ne dit pas comment) l’assemblée qui doit représenter non plus telle ou telle province, mais le royaume tout entier. Les derniers