Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/554

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est qu’ayant perdu l’élément principal de sa constitution, elle a gardé les deux autres ; c’est qu’ayant été changée sur un point, et sur le plus essentiel, elle n’a pas été changée sur tous les autres. Il fallait une réorganisation complète : on s’est borné à un retranchement ; mais c’est la tête qui a été retranchée (2).


IV.

Le seul élément nouveau que le législateur de 1831 ait introduit dans l’organisation de la pairie, c’est le système des catégories ; mais les catégories ne peuvent certes pas remplacer l’hérédité. Elles n’en ont pas l’efficacité génératrice ; elles empêchent tel ou tel homme d’être pair, mais elles ne font pas que le pair nommé soit plus fort et plus puissant ; elles agissent en dehors de l’institution, elles n’agissent point au dedans ; elles préservent du mal, elles ne font pas le bien. Examinons cependant quel a été et quel peut-être leur effet sur la pairie.

Remarquons d’abord, comme une singularité piquante, que le système des catégories a à peine été discuté dans la chambre des députés : on s’est beaucoup débattu pour savoir si telle ou telle fonction donnerait droit à la pairie ; mais le système des catégories a été adopté de confiance. C’était une barrière contre la faveur, cela a suffi : on ne s’est pas demandé si les catégories donneraient la meilleure sorte de candidats. M. Bérenger, dans son rapport, se contente de dire que la commission a senti la nécessité de « renfermer le choix de la couronne dans certaines limites destinées, soit à prévenir l’erreur ou la surprise, soit à empêcher les nominations de faveur, soit à modérer certaines ambitions qui ne seraient justifiées par aucun service. » Dans la discussion, il est peu question des catégories, ou, quand il en est question, on ne montre pas quel est leur mauvais côté. Un député par exemple, M. Chalret Durrieu, craint que la couronne, pour influencer le vote des pairs, ne nomme leurs fils aux places mentionnées dans les catégories, afin que, plus tard, les fils puissent remplacer les pères, et que de cette manière l’hérédité soit continuée. Cette crainte suppose ce qui ne s’est pas vérifié ; elle suppose que le gouvernement aura beaucoup à compter avec la chambre des pairs, et