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intérêt de la royauté, dilapiderait ce précieux trésor, se rendrait coupable de la concussion la plus criminelle, d’une véritable trahison[1]. »

Voilà à travers quelles prévisions qui témoignaient combien la chambre était inquiète de l’avenir de la pairie qu’elle voulait fonder, à travers quelles recommandations qui montraient qu’on voulait suppléer à la faiblesse de l’institution par le bon choix des hommes, voilà comment fut fondée la pairie en 1831. C’est à nous maintenant de savoir si les prévisions se sont vérifiées, si les recommandations ont été suivies, si enfin nous avons une pairie.


III.

Si nous n’avons pas une pairie, est-ce uniquement à l’abolition de l’hérédité qu’il faut s’en prendre ? J’ai hâte de discuter cette question, car, si le seul moyen de rendre à la pairie l’influence et l’ascendant qu’elle doit avoir est de restaurer l’hérédité, je n’hésite pas à dire qu’il n’y a pas lieu de songer à réviser la loi qui règle l’admissibilité à la pairie ; je ne crois pas en effet que la restauration de l’hérédité soit une chose possible ou même une chose désirable. Si j’avais eu l’honneur d’être membre de la chambre des députés en 1831, j’aurais voté le maintien de l’hérédité derrière les grandes autorités qui l’ont défendue, derrière M. Royer-Collard, M. Guizot, M. Thiers, derrière M. Bérenger, rapporteur de la commission mais l’hérédité est abolie depuis quinze ans : c’est un fait accompli et, selon moi, irrévocable.

Restaurer l’hérédité de la pairie, ce serait ébranler la charte. La charte a été révisée dans son ensemble en 1830, et dans son art. 23 en 1831. Ces deux dates ont clos l’ère de la révision, c’est-à-dire de l’instabilité : gardons-nous de la rouvrir.

Restaurer l’hérédité, ce serait faire un contre-sens si on accordait l’hérédité à la pairie actuelle, et une injustice si on ne l’accordait pas : Un contre-sens, car les pairs actuels ont été nommés comme viagers, c’est-à-dire pour eux-mêmes. Quand on nomme un pair viager, on ne regarde que lui-même et on a raison ; quand on nomme un pair héréditaire, on doit aussi considérer la famille ; il est différent de récompenser et d’honorer un homme ou de fonder une famille. Ce qui suffit dans un cas ne suffit pas toujours dans l’autre. Il y a beaucoup

  1. M. Bignon (de l’Eure), page 25.