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représenterait M. le maréchal Soult dans le conseil ? Devant les chambres, quel sera son rôle, son attitude ? Il est permis de penser qu’il se fatiguerait bientôt d’une situation si peu au niveau de son nom militaire, et qu’un complet renoncement aux affaires ne se ferait pas long-temps attendre.

Quoi qu’il en soit, il n’est question aujourd’hui pour le cabinet que de trouver un ministre de la guerre. Or, l’affaire n’est pas si simple qu’on pourrait le croire. Les candidats les plus sérieux à ce portefeuille se trouvent écartés momentanément par des raisons de diverses natures : Nécessaire en Afrique, M. le maréchal Bugeaud ne peut, à l’heure qu’il est, être ministre. il est un ancien gouverneur de l’Algérie qui ne serait pas, à coup sûr, déplacé au département de la guerre ; mais le cabinet voudrait-il donner pour supérieur hiérarchique à M. le duc d’Isly le maréchal Valée ? Le nom de M. Bedeau a été prononcé ; ce général si capable est aussi en Afrique, sur le théâtre des évènemens les plus graves. On a donc songé à des officiers- généraux appartenant aux armes spéciales, comme M. le marquis de Laplace, M. le baron Rohault de Fleury, ou bien à des généraux administrateurs occupant de grands emplois au ministère de la guerre. Le choix du cabinet n’est pas encore officiellement connu ; on dit qu’il flotte entre le général Schramm et M. le marquis de Laplace. Quand on est tout-à-fait en paix, le département de la guerre peut être plus facilement occupé par des hommes secondaires ; mais depuis plusieurs années les affaires d’Afrique ont suscité des illustrations avec lesquelles il faut compter, et qui ont chacune à leur tour leur place marquée au pouvoir. De plus en plus ce sera en Afrique que se feront les maréchaux et les ministres de la guerre.

En Algérie, nos généraux agissent avec vigueur, et, grace à leur énergie, les affaires, quoique toujours fort graves, se sont améliorées. Il n’y a plus aujourd’hui de surprise possible : officiers et soldats se rendent bien compte des nouvelles épreuves qu’ils ont à traverser. Le retour du maréchal Bugeaud a été rapide, et sa présence a raffermi tout ce que son départ avait pu ébranler. Il s’est porté en avant avec célérité ; il est, suivant les dernières nouvelles, à Milianah, tout près des montagnes de ces Kabyles auxquels il a adressé une proclamation non moins sensée qu’énergique. Espérons que le maréchal saura, par ses actes et par ses discours, parler puissamment au moral des populations africaines, comme il l’a fait avec bonheur dans le passé. Sur l’extrême frontière qui touche au Maroc, le général Lamoricière a rétabli l’ascendant de nos armes, et les tribus qu’il a poursuivies et vaincues ont pu reconnaître qu’il arrivait toujours un moment où Abd-el-Kader, après les avoir poussées à la révolte, était impuissant à les protéger. L’émir se dérobe, puis il reparaît : c’est son jeu de chercher à nous lasser, à nous déconcerter, à nous surprendre par cette alternative de réapparitions et de fuites. S’il est parvenu à se glisser entre Mascara et Tlemcen, il sera vivement poursuivi par les généraux Lamoricière et Cavaignac, avec lesquels le maréchal Bugeaud combinera ses opérations, quand il aura parcouru et raffermi toute la Province d’Alger.

Nous ne doutons pas que, dans des conjonctures aussi sérieuses, les géné-