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LA MARQUISE

Oui ; il m’a vendu des pommes et du foin avec beaucoup de galanterie, et je veux lui rendre sa politesse.

LE COMTE

C’est bien vous, par exemple. L’être le plus ennuyeux ! on devrait le nourrir de sa marchandise. Et à propos, savez-vous ce qu’on dit ?

LA MARQUISE

Non. Mais on ne vient pas : qui avait donc sonné ?

LE COMTE regarde par la fenêtre

Personne ; une petite fille, je crois, avec un carton, je ne sais quoi ; une blanchisseuse. Elle est là, dans la cour, qui parle à vos gens.

LA MARQUISE

Vous appelez cela je ne sais quoi ; vous êtes poli, c’est mon bonnet. Eh bien ! qu’est-ce qu’on dit de moi et de M. Camus ? Fermez donc cette porte ; il vient un vent horrible.

LE COMTE, fermant la porte.

On dit que vous pensez à vous remarier, que M. Camus est millionnaire, et qu’il vient chez vous bien souvent.

LA MARQUISE

En vérité ? pas plus que cela ? Et vous me dites cela au nez tout bonnement ?

LE COMTE

Je vous le dis parce qu’on en parle.

LA MARQUISE

C’est une belle raison. Est-ce que je vous répète tout ce qu’on dit de vous aussi par le monde ?

LE COMTE

De moi, madame ? Que peut-on dire, s’il vous plaît, qui ne puisse pas se répéter ?

LA MARQUISE

Mais vous voyez bien que tout peut se répéter, puisque vous m’apprenez que je suis à la veille d’être annoncée Mme Camus. Ce qu’on dit de vous est au moins aussi grave, car il parait malheureusement que c’est vrai.

LE COMTE

Et quoi donc ? Vous me feriez peur.

LA MARQUISE

Preuve de plus qu’on ne se trompe pas.