Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Morning Chronicle, disait, il y a quelques mois, que ce pays était pour tout ministère une difficulté dans un sens ou dans l’autre, difficulté quant à la conduite des affaires si on s’en fait un ennemi, difficulté quant au maintien de la majorité si on cherche à le concilier. « Il y a, ajoutait-il, en ce qui concerne l’Irlande, une contradiction manifeste entre les intérêts et les préjugés anglais, entre les nécessités du gouvernement et les antipathies de parti. » Cela est vrai ; mais ce qui ne l’est pas moins, c’est que la difficulté, quand elle est à peu près résolue en Angleterre, ne l’est pas en Irlande ; c’est qu’un gouvernement équitable et conciliateur risque fort d’y jeter tout le monde dans l’opposition. Déjà il serait difficile de dire quels sont les manifestes les plus violens, les plus emportés, les plus hostiles à sir Robert Peel, ceux d’O’Connell au nom de l’association du rappel, ou ceux de lord Roden au nom de l’association orangiste.

Faut-il néanmoins désespérer de la tentative honorable que fait en ce moment sir Robert Peel, et que continuerait avec un peu plus de hardiesse lord John Russell, s’il arrivait au pouvoir ? Je ne le pense pas. Les deux partis que l’on voit, que l’on entend en Irlande, ce sont naturellement les deux partis extrêmes, amis du rappel d’un côté, orangistes de l’autre ; mais entre ces partis il existe une masse notable hommes modérés, qui ne veulent ni du rappel ni de l’orangisme. La preuve, ce sont les clameurs qui s’élèvent dans un camp contre des hommes tels que M. Wyse, M. Sheil, M. Murphy, dans l’autre contre des hommes tels que lord Castelreagh et lord Jocelyn ; la preuve, ce sont les menaces qu’on adresse à tous ceux qui ne consentent pas à se faire repealers ou orangistes ; la preuve encore, c’est la division profonde qui se manifeste dans l’église protestante comme dans l’église catholique. Malgré les anathèmes des deux partis extrêmes, le gouvernement ne vient-il pas de constituer un bureau supérieur d’éducation où se réunissent quatre catholiques (parmi lesquels I’archevêque de Dublin), deux presbytériens, et cinq membres de l’église anglicane ? Tandis qu’O’Connell continue à protester contre les nouveaux collèges, et que 19 évêques catholiques sur 26 joignent leur voix à celle d’O’Connell, ces collèges ne sont-ils pas acceptés par l’archevêque de Dublin, M. Murray, par l’archevêque d’Armagh, M. Crolly, par l’évêque de Cork, et par quatre autres membres de la hiérarchie ? Enfin, l’archevêque protestant et l’archevêque catholique d’Armagh ne viennent-ils pas ensemble demander à lord Heytesbury de placer un de ces nouveaux collèges sous leurs yeux ? Qu’on rapproche ces faits de ceux de l’année précédente, et notamment de ce qui s’est passé au sujet du bequests-bill ;