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la session se termina paisiblement, accusée par les uns de stérilité, par les autres d’une fécondité malheureuse.


IV.

Si je ne me trompe, le simple rapprochement des faits que je viens de raconter répond suffisamment à la première question que je m’adressais en commençant. Sir Robert Peel, à l’ouverture de la session, avait en face de lui des adversaires pleins d’ardeur et d’espoir, à ses côtés des amis froids et mécontens. Nul doute que s’il eût hésité, tâtonné, cherché à satisfaire tout le monde, il n’eût succombé sans profit pour son parti, sans honneur pour lui-même ; mais sir Robert Peel est de ces hommes qui ont le coup d’œil assez sûr pour voir dans chaque circonstance quel est le véritable intérêt du pays, l’ame assez haute pour préférer une chute honorable à un pouvoir misérablement conservé, le caractère assez ferme pour persévérer dans la ligne qu’ils se sont tracée, malgré les obstacles, malgré les dangers qu’ils rencontrent sur leur chemin. Convaincu que la vieille politique commerciale et la vieille politique religieuse avaient fait leur temps, il résolut d’entrer dans une voie nouvelle, et d’inviter le parti conservateur à l’y suivre ; puis, le combat commencé, rien ne parvint à le faire reculer ni fléchir. C’est ainsi, il faut le dire, qu’on se montre homme d’état véritable ; c’est ainsi que l’on se rend digne de gouverner un grand pays, et qu’on le gouverne en effet.

Cependant, il faut le reconnaître, pour que sir Robert Peel réussît, il ne suffisait pas qu’il montrât beaucoup de résolution et de courage. Il fallait encore que sa cause fût bonne ; il fallait aussi qu’il y eût au sein des vieux partis un ébranlement profond et des germes actifs de dissolution intérieure. Que la cause de sir Robert Peel fût bonne, je ne prendrai pas la peine de le démontrer. Quant aux vieux partis, il y a long-temps déjà qu’ils tendent à briser l’enveloppe où l’habitude les renferme. Dès 1834, tout le monde comprenait et disait que, sous des écorces diverses, le parti whig et le parti tory modéré cachaient à peu près les mêmes idées et les mêmes principes. Dès 1834, on prévoyait que, soit au pouvoir, soit hors du pouvoir, ces deux grandes fractions du parlement finiraient par se donner la main. Peut-être, en 1834, cela allait-il se faire, quand l’imprudent coup de tête de Guillaume IV vint rejeter les whigs vers les radicaux, les tories modérés vers les tories exaltés, et empêcher la fusion qui se préparait.