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lequel lord Palmerston avait purement et simplement conféré à l’Angleterre le droit d’arrêter et de condamner certains bâtimens portugais, le cabinet tory prétendit que l’article 1er  du traité de 1828 constituait de la part du Brésil l’obligation permanente, irrévocable, de réprimer la traite, et qu’à défaut du Brésil l’Angleterre était en droit de faire exécuter cette obligation. Il proposa donc un bill qui autorisait les croiseurs anglais à saisir les bâtimens brésiliens qui seraient suspects, à les visiter, à les faire juger par un tribunal anglais, à les confisquer même s’il y avait lieu. Le même bill permettait de délivrer des lettres de marque à quiconque voudrait faire l’office de croiseur Assurément, il y avait là matière à grave débat, et violation, au moins fort présumable, du droit des gens maritime ; mais on n’y regarde pas de si près en Angleterre, quand il s’agit d’une puissance faible, et quand on sait que personne ne prendra en main la cause de cette puissance. M. Gibson eut donc seul l’honneur de protester contre un tel abus de la force, et c’est avec le plein assentiment de lord Palmerston que sir Robert Peel fit prévaloir ce qu’il appelait singulièrement un casus foederis.

La session finissait, et il ne restait plus, selon l’usage introduit par lord Lyndhurst, qu’à la passer en revue dans un dernier discours d’opposition. Ce fut lord. John Russell qui, s’en chargea. Assurément, le thème était beau. Sous le ministère Melbourne, lord Lyndhurst triomphait annuellement de la faiblesse du cabinet, et, pour prouver cette faiblesse, comptait toutes les mesures que l’opposition tory avait arrêtées au passage. Lord John Russell pouvait à son tour démontrer la faiblesse du cabinet en énumérant toutes les mesures qui, sans le secours de l’opposition, auraient été rejetées. C’est un résultat positif qui valait bien le résultat négatif de lord Lyndhurst, et qui était plus honorable ; seulement, pour donner à cette revanche toute sa force, il eût fallu la parole acérée de M. Macaulay. Lord John Russell, plus calme, plus modéré, se borna à prendre acte, dans quelques phrases dignes et froides, de certains échecs du cabinet et surtout de certaines lacunes, volontaires ou non, dans les mesures qu’il avait présentées. Il lui demanda, par exemple, ce que devenait le bill sur les listes électorales et sur les municipalités d’Irlande. Enfin, il proclama encore une fois la nécessité d’égaliser les deux églises irlandaises ; soit en dotant l’église catholique, soit en supprimant l’établissement protestant. Sir James Graham répondit qu’il ne consentirait jamais à la suppression de l’établissement protestant, et que la dotation de l’église catholique était une question de circonstance ; puis