Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce bill, tout en déplorant la précipitation avec laquelle les membres irlandais avaient semblé l’accepter. Il approuva d’ailleurs cordialement le mot de sir Robert Inglis, et s’unit à lui pour flétrir le bill comme « un bill athée » puis, faisant appel à la hiérarchie catholique, il promit de se soumettre d’avance à son jugement. En conséquence, les évêques se réunirent, délibérèrent entre eux, et déclarèrent que le bill serait funeste à la foi et à la moralité des enfans.

Sûr de l’appui qui lui avait manqué dans l’affaire du bequests-bill, O’Connell alors ne garda plus aucune mesure, et chaque jour on l’entendit tonner contre l’exécrable bill. C’était, selon lui, une tentative abominable pour corrompre, pour souiller la génération actuelle. C’était un vol fait au clergé catholique, que ses saintes fonctions autorisaient seul à nommer les professeurs. C’était pis encore, une imitation impie de la détestable université française ! À la vérité, la jeune Irlande ne partageait pas sur ce point des sentimens d’O’Connell, et dans le club de 82 d’abord, puis à l’association même, il s’éleva entre O’Connell d’une part, et de l’autre MM. Barry et Davis, une très vive querelle. Selon la jeune Irlande et son organe, la Nation, le principe du bill était bon, et O’Connell avait tort. Là-dessus O’Connell tança la Nation, et la jeune Irlande, dit qu’il ne connaissait, quant à lui, que la vieille Irlande, et tout finit par une scène un peu étrange, où O’Connell et M. Davis se jetèrent, les larmes aux yeux, dans les bras l’un de l’autre. Il n’en restait pas moins vrai que la jeune Irlande tenait contre O’Connell pour l’éducation laïque. Enfin les évêques remirent au lord-lieutenant un mémoire signé d’eux tous, et par lequel ils demandaient : « 1° qu’une juste proportion de professeurs et de dignitaires fussent catholiques et approuvés par les évêques ; 2° qu’il fût établi une commission supérieure (board of trustees), dont les évêques catholiques fussent, dans diocèse, membres de droit, et que cette commission nommât révoquât tous les dignitaires ; 3° que les chaires de logique, de métaphysique, d’histoire, de philosophie morale, de géologie, d’anatomie, ne pussent être occupées que par des catholiques, vu qu’autrement la foi et la moralité des élèves seraient exposées à un danger imminent ; 4° que, les étudians ne devant pas loger dans les nouveaux collèges, un chapelain catholique, nommé sur la recommandation de l’évêque et payé par l’état, fût attaché à chacun de ces établissemens. Ces propositions, on le comprendra, n’allaient à rien moins qu’à rendre le clergé maître absolu les nouveaux collèges, et à constituer à côté des universités protestantes une université catholique.

La situation ne laissait pas que d’être assez embarrassante. D’une